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Des logiques sociales différentes

L'année des coopératives s'achève. Si elle n'a pas fait beaucoup de bruit, un article nous rappelle que partout dans le monde elle rejoint un milliard de personnes et qu'elle constitue la meilleure éducation à la démocratie en plus d'améliorer la qualité de vie. Le bulletin questionne une autre alternative potentiellement porteuse de transformations : les monnaies sociales sont-elles des solutions du dernier recours ou des outils de transformation sociale ?

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Un défi pour 2013

Par Monique Jeanmart

Une énième conférence des Nations Unies sur l'environnement vient de s'ouvrir à Doha. Après des années d'appels à l'action des environnementalistes et de rapports scientifiques qui n'ont pas été entendus, c'est la voix des grands organismes (Banque mondiale) et celle de Ban Ki-moon qui rappellent aux quelque 200 pays participants l'urgence d'agir pour le climat ainsi que leurs responsabilités pour que la conférence débouche sur des engagements forts vis-à-vis d'un cadre global contraignant. « N'ayons aucune illusion. Ceci est une crise, une menace pour nous tous, nos économies, notre sécurité et le bien-être de nos enfants et de ceux qui viendront après ».

En ces années de crise l'argument économique domine pour ne pas agir, pourtant Nicholas Stern, économiste en chef à la Banque mondiale montrait, en 2006 déjà, que les coûts de l'inaction seraient infiniment plus élevés que les coûts des solutions. Parce qu'elles existent et sont connues dont, en premier lieu, cesser de subventionner la recherche et l'exploitation des énergies fossiles. Au Canada, l'institut Pimbina montrait récemment que c'est 1,3 milliard de fonds publics qui y sont investis. Il est connu qu'investir dans des énergies alternatives et dans des entreprises de développement durable créerait plus et d'aussi bons emplois.

Mais si les solutions technologiques existent et sont connues, et qu'elles sont indispensables, sans transformation économique et sociale profonde il est utopique de parvenir à stopper ce processus de dégradations de l'environnement dont les effets sont pourtant déjà visibles partout.

Le dernier bulletin le montrait et cette période de frénésie de consommation de Noël le rappelle, c'est notre mode de vie et les valeurs sur lesquels il s'inscrit qu'il faut changer. Il n'y a pas de pensée magique : il faut sortir de « la cage de fer du consumérisme » pour rebâtir des sociétés solidairement organisées, qui produisent sur de nouveaux modes, avec de nouvelles logiques. Mais le vrai défi est de faire entendre notre voix à nos gouvernements ! En 2012, il faudra rassembler - et unir - nos forces : de grandes batailles seront à mener pour éviter que le Canada ne s'enfonce de plus en plus dans les politiques destructrices qui caractérisent le gouvernement Harper. Optimisme ou pessimisme ? Croire en notre cause est le premier pas vers la réussite.

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L'année des coopératives s'achève, un espoir renaît

Par Claude Béland

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À la suite de leurs recherches d'alternatives au système socioéconomique dominant, les membres de l'Organisation des Nations-Unis décident, en 2009, au lendemain de la fameuse crise financière de 2008, de faire de l'année 2012 l'Année internationale des coopératives. Ils font ainsi écho aux voix de nombreux économistes atterrés(1) ou déçus qui ne cessent de dénoncer « le triomphe de la cupidité » ou encore « un système économique qui s'est fourvoyé »(2). Unanimement, les pays membres de l'ONU décidèrent de ralentir l'exacerbation des effets néfastes du néolibéralisme par la reconnaissance mondiale des vertus du coopératisme. De là, la résolution par laquelle l'ONU propose à tous ses pays membres « de promouvoir les coopératives en tant qu'entreprises commerciales et sociales capables de contribuer au développement durable, à l'élimination de la pauvreté et à la création de moyens de subsistance dans divers secteurs économiques, en milieu autant rural qu'urbain, afin de mieux comprendre la contribution qu'elles apportent au développement économique et social dans le monde ».

En réalité, il s'agit d'un appel à la mise en place d'une économie sociale et solidaire. Un retour vers les valeurs d'une social-démocratie ou vers les valeurs sur lesquelles se sont développées les trente années glorieuses (1945-1975). Cette période se distingue, comme le raconte l'économiste américain Paul Krugman, par la domination de la classe moyenne(3). Après 1975, l'accélération de la mondialisation provoque l'exacerbation du libéralisme et le transforme en ultralibéralisme, avec les conséquences que l'on connait : une planète qui demande grâce, une planète qui est en feu par la révolte des peuples, de la résurgence de la lutte des classes, par la mondialisation de la pauvreté et de l'exclusion, par des privilèges accordés aux riches en les libérant d'assurer la pleine part de la fiscalité nécessaire à un partage équitable de la richesse, etc.

L'année internationale des coopératives fut donc l'occasion de remettre en cause l'idée d'un monde transformé en « village global » dans lequel vivrait un « citoyen du monde ». De remettre en cause cette idéologie d'un monde meilleur par la reconnaissance du pouvoir économique et financier comme élément central du développement des collectivités humaines et de proposer plutôt un retour aux engagements de faire de l'être humain l'élément central du développement des communautés humaines à une plus grande participation citoyenne et à un renouveau de la démocratie. Un retour vers cette vision du développement local ou régional, là où les gens vivent quotidiennement.

Les dernières décennies années ont démontré que l'ultralibéralisme moderne éloigne l'humanité des engagements solidaires des membres de l'Organisation des Nations Unies dans la Déclaration universelle des droits de l'homme visant à assurer à tous les individus la dignité et la justice. De là, la nécessité contemporaine évidente d'une alternative au système socio-économique dominant.

Une réalité impressionnante

L'année internationale des coopératives a révélé une réalité impressionnante. Dans un document publié récemment et présenté aux 10,000 participants à un grand rassemblement de coopérateurs à la fin du mois d'octobre dernier à Manchester, en Angleterre, tout près d'une petite ville où est née au XVIIIe siècle, la coopérative des Pionniers de Rochdale que les historiens considèrent être la première institutionnalisation des entreprises d'une économie solidaire, on peut lire qu'un million de coopératives sont actives dans le monde. Autant de coopératives qui répondent aux besoins d'un milliard de membres et procurent un emploi à 100 millions de personnes. La gouvernance démocratique des coopératives et le rôle qu'elles jouent auprès de leurs dirigeants élus et leurs membres sur le plan de l'éducation à l'économie et à la démocratie font du mouvement coopératif mondial la plus grande école de démocratie et le système éducatif à la citoyenneté le plus imposant de la planète. L'économie sociale se distingue par le contrôle démocratique de l'entreprise par ses membres. Ceux-ci apprennent, comme membres ou dirigeants, à vivre concrètement la démocratie, à reconnaître que la décision exécutoire est celle de la majorité saisissant ainsi l'importance de la solidarité et du respect de la volonté majoritaire. Une leçon concrète du fonctionnement efficace de la démocratie. Et quant aux élus aux postes d'administrateurs de ces entreprises, ils sont éduqués, dans l'action, à l'administration de leur entreprise.

Pas étonnant dès lors qu'au lendemain de la grande crise financière de 2008, l'ONU ait proposé de redonner aux citoyens une certaine prise sur les décisions qui affectent leur vie, individuellement, et en tant que citoyens, en encourageant la participation citoyenne et la création d'un plus grand nombre d'entreprises de l'économie sociale. Les règles de gouvernance des entreprises de l'économie sociale s'inspirent des valeurs de la démocratie - en les introduisant dans le monde des affaires, dans le monde de l'économie et de la finance. Elles font en sorte de mettre fin à la domination de la majorité par une minorité. Elles font en sorte d'assurer la pérennité des entreprises - contribuant ainsi concrètement au développement durable, si important pour le développement d'un milieu. Bref, la majorité citoyenne fait en sorte de créer le milieu de vie qu'elle souhaite par des actions concrètes quotidiennement. Qu'on le veuille ou non, l'être humain est un être politique, économique et social. Par ses actions quotidiennes, il façonne le monde dans lequel il veut vivre.

Créer un monde meilleur ? L'avenir est de nouveau entre les mains des citoyens et citoyennes. D'abord chacun dans sa localité. Et si les hommes et les femmes de chacune des localités du monde font ce qu'il faut pour créer, dans leur milieu, la société qu'ils souhaitent... ainsi le monde entier aura relevé le pari d'un monde meilleur !

Notes

1 : Voir Manifeste des économistes atterrés, Les liens qui libèrent, Mayenne, France 2010.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Joseph Stiglitz, vice-président et chef économiste démissionnaire de la Banque mondiale et de nombreux autres économistes de renom.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

3 : Paul Krugman, L'Amérique que nous voulons, Flammarion 2009.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

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Monnaies sociales et systèmes d'échanges locaux
Solutions de dernier recours ou outils de transformation ?

Par Cécile Sabourin

Depuis une trentaine d'années, la création de monnaies sociales et de systèmes d'échanges locaux a répondu au besoin de dynamiser des marchés par la production, la vente et les échanges de biens et de services. Deux types de motivations ont le plus souvent conduit à la mise sur pied de ces initiatives : l'insuffisance de liquidités monétaires nécessaires pour transiger sur les marchés commerciaux officiels et la volonté de soutenir le développement local, la vie communautaire et la solidarité entre les citoyens. Toujours les contextes social, culturel et économique ont joué un rôle dans la forme que prenaient les initiatives.

Nécessaires pour les transactions, les monnaies et systèmes d'échanges locaux comblent des manques du système, cependant leurs initiateurs espèrent habituellement qu'ils contribuent à la transformation des pratiques et du système économique dominant. Au moment où la concentration du pourvoir économique et financier fait des dégâts considérables, peut-on espérer que les monnaies sociales et les systèmes d'échanges locaux apportent ce souffle de changement dans le paysage commercial ?

Nécessité et usages des monnaies sociales et systèmes d'échanges locaux

De tout temps, on a échangé des biens et services par le troc mais aussi en utilisant des monnaies. Les premiers marchés locaux servaient aux échanges et au commerce de proximité, cependant l'augmentation du nombre de voyageurs et des moyens de transport dans le monde ont fait connaître des produits auparavant inaccessibles. Les commerçants et négociants ont pris en mains ce commerce et développé des réseaux qui ont nécessité d'adapter les systèmes monétaires aux nouvelles réalités(1). Il a fallu plusieurs siècles pour que les monnaies utilisées dans les différentes parties du monde soient graduellement supplantées par des devises nationales. Un petit nombre d'entre elles servent désormais aux échanges internationaux. Les états ont assumé la structuration du système monétaire que nous connaissons maintenant, cependant ils ont en grande partie laissé au secteur privé commercial le privilège d'en tirer profit. La monnaie elle-même est devenue une marchandise objet de commerce et de spéculation.

Les monnaies - dollar, euro, yen, etc. - remplissent les fonctions de numéraires ou unités de comptes, de réserves de valeurs, de moyens d'échanges. Elles servent à évaluer les activités économiques monétarisées, celles qui comptent dans le système dominant. Or sur la planète, nombreux sont ceux qui survivent avec peu d'argent et vivent en marge du système économique dominant et puisque l'absence de liquidités n'élimine pas leurs besoins ils cherchent à les satisfaire par d'autres moyens. C'est particulièrement le cas en périodes de crise. Les Argentins nous l'ont bien montré lorsqu'ils furent confrontés à une grave crise sociale et économique découlant de la dépréciation subite de leur monnaie. La Red global de trueque, née en 1995, a connu un essor important au tournant du siècle pour ensuite décroître au moment de la reprise économique, comme le relate un site dédié aux clubs de troc. Cela n'est pas sans susciter des interrogations sur la pérennité et le potentiel des monnaies et systèmes d'échanges complémentaires. Une fois le besoin initial atténué, quel est l'avenir d'une initiative ?

L'essor des monnaies complémentaires n'est pas étranger à des situations de crises économiques et sociales. Au nombre des visées concrètes des monnaies et systèmes d'échanges, mentionnons l'accès pour les plus démunis aux produits de base, l'échange de services sur une base solidaire dans les quartiers, la facilitation des transactions entre vendeurs et acheteurs non solvables selon les standards habituels, le soutien à la production et au commerce local et l'accès au crédit solidaire. Ces initiatives fonctionnent le plus souvent en marge du système marchand dominant et le complémentent au sens où les participants ne vivent pas en autarcie et sont aussi actifs dans les circuits commerciaux.

Outre le fait de combler des besoins ponctuels susceptibles de disparaître avec une reprise économique, les monnaies et systèmes visent plus largement à dynamiser de manière permanente des territoires ou secteurs d'activités. En général, ils adoptent des valeurs et une logique autres que commerciales et capitalistes, qui elles se caractérisent par la demande solvable et la maximisation des profits.

Les mécanismes mis en œuvre pour faciliter les transactions prennent des formes diverses : monnaies créées de toute pièce ou de banque de temps. Plus les visées sont ambitieuses - notamment proposer des alternatives crédibles, durables et non spéculatives au fonctionnement du système économique - plus on aura recours à des mécanismes bien structurés, complexes, mettant à contribution les outils informatiques et impliquant de nombreux intermédiaires voire passerelles avec les systèmes officiels. La rigueur de la conception, de la gestion et l'utilisation d'outils informatiques performants pourraient jouer un rôle important pour accroître la participation, la diversification des objets de transactions, élargir la portée et renforcer la crédibilité de ces systèmes. Il faut savoir que la confiance joue un rôle crucial pour la survie d'un système monétaire qu'il s'agisse des monnaies sociales ou des monnaies officielles.

On commence à s'intéresser sérieusement à l'étude des monnaies sociales et des systèmes d'échange locaux, notamment pour évaluer leur portée subversive et leur potentiel comme alternative ou embryon d'un système recentré sur les fonctions essentielles de la monnaie et mieux adapté aux besoins de certaines populations. Des équipes de recherche travaillent à comprendre leurs mécanismes et leur incidence sur l'économie formelle afin de saisir les enjeux et conséquences sur le système monétaire. De nombreuses publications sur Internet traitent des monnaies complémentaires et une revue scientifique leur est dédiée : l'International Journal of Community Currency Research.

Initiatives d'ailleurs et d'ici

Les participants au Colloque international sur les monnaies sociales et complémentaires (Lyon, 16-17 février 2011) ont estimé entre 4000 et 5000 les dispositifs mis sur pied dans une cinquantaine de pays afin de permettre aux citoyens de transiger biens et services de tous types. En provenance de tous les continents, les participants ont présenté et analysé des initiatives répondant aux besoins et adaptées aux contextes, les qualifiant souvent d'alternatives prometteuses en contexte d'austérité. L'article de présentation du colloque mentionnait les monnaies suivantes dont certaines existent depuis plusieurs années : « LETS, banques de temps, réseaux de trueque sur le modèle argentin, monnaies Hour sur le modèle d'Ithaca, monnaies de type Regio sur le modèle allemand, monnaies et banques communautaires sur le modèle de Fortaleza, monnaie à projets multiples comme la monnaie SOL en France, monnaies locales de « villes en transition », systèmes de type RES, etc. ». La grande majorité des 55 présentations au Colloque portaient sur des initiatives menées en Amérique latine et en Europe. Sans doute beaucoup d'autres initiatives existent notamment en Afrique et en Asie. Des initiatives québécoises et nord-américaines ont fait l'objet des présentations, échanges et discussions. Voici en bref quelques éléments d'information portant sur les initiatives d'ici(2).

Une communication de Manon Boulianne et Yvan Comeau sur Quinze ans d'échange de proximité au Québec : innovation et diversité relatait les conclusions d'une étude menée en 2008 sur des pratiques d'échanges de proximité. Cette étude permettait « de conclure qu'au-delà de leur diversité, les réseaux d'échange de proximité québécois ont évolué vers des formes organisationnelles plus complexes et professionnalisées où les dimensions relationnelles, sociales et politiques prennent de plus en plus de place ». Au nombre des initiatives visées par l'étude, il y a l'Accorderie (Québec), Troc-tes-trucs (Montréal), Accorderie (Trois-Rivières), BECS (Montréal), REEL (Granby), SEL les Échang'heures (Saint-Basile-le-Grand), Écho (MRC Memphrémagog), La Ruche (Cap-à-l'Aigle), Mosaïque (Bois-Francs), Jeu des Laurentides (Sainte-Adèle), Sel Le Cartier (Montréal), Troc-ton-temps (Rivière-du-Loup).

Marie Fare se livrait à une Analyse comparative de deux dispositifs de monnaies sociales en termes de développement soutenable : L'Accorderie et le SOL, faisant notamment ressortir leur rôle comme outils au service du développement soutenable. Elle soulignait que « les monnaies sociales favorisent la relocalisation des échanges et des activités, la consommation de produits locaux et donc les entreprises et structures locales ». et ajoutait que « ... la mise en place d'une monnaie sociale permet d'instaurer de nouvelles pratiques, de transformer les valeurs et représentations et d'orienter les modes de vies, de consommation et de production dans un sens plus soutenable. Les monnaies sociales seraient dans ce cadre des vecteurs de transformation, voire de rupture, vis-à-vis du système capitaliste de marché ».

L'Accorderie se présente comme « un système d'échange de services entre individus. Ce système permet aux membres (les AccordeurEs) de s'échanger des services de toutes sortes, sous le signe de l'entraide et de la coopération ». Née en 2002 de la volonté de résidents d'un même quartier d'échanger des services, l'Accorderie s'est donné cinq principes qui précisent sur quelles bases s'effectuent les échanges essentiellement en terme de temps. Ces échanges de temps peuvent être individuels, des activités collectives ou la participation au fonctionnement associatif. Au moment d'écrire ce texte, le site recense six Accorderies au Québec.

Deux autres présentations étaient effectuées par des chercheures canadiennes. Celle de Sarah Elvins, La promotion de monnaies locales (« scrip » ou ticket) en Amérique : idéologie, entraide et expérimentations durant la Grande Dépression, portait sur les expériences de monnaies sociales aux États-Unis dans les années 30. Elle constate qu'« [i]l n'y avait pas un modèle unique de « scrip » ou ticket en Amérique : les timbres, les certificats de troc, les titres de vente aux enchères, les garanties de taxes à percevoir : toutes avaient cours à travers le pays. [...] Les tickets faisaient appel aux notions américaines d'entraide et d'individualisme. [...] Ces dispositifs étaient simplement un moyen « de réamorcer la pompe » d'un système économique par ailleurs essentiellement sain ».

Melina Young, pour sa part, traite de Stabilité et viabilité : Un aperçu du système de troc interentreprises (B2B barter exchange). « Certaines des plus importantes monnaies complémentaires fonctionnent au sein même du système de troc interentreprises ». Elle s'intéresse à l'organisation de ce marché de troc de même qu'aux aspects plus macro comme le statut institutionnel, la création de standards et l'impact des technologies de l'information et de la communication ainsi qu'à la fixation des prix. « Enfin, la nature de la complémentarité entre le crédit par troc interentreprises et la monnaie nationale sont analysés ».

Des alternatives porteuses de transformations ?

Compte tenu des caractéristiques, de la diversité et de l'essor des initiatives qui se réclament de la dynamique des monnaies sociales, peut-on les considérer comme des alternatives réelles et crédibles au modèle dominant ? Si personne ne doute que les systèmes monétaires et d'échanges complémentaires fonctionnent selon des principes autres que ceux de l'économie capitaliste et productiviste, permettent-ils de construire les bases d'une transition vers un nouveau paradigme économique, vers d'autres logiques que celles de la demande solvable et de la maximisation du profit ? Ces alternatives ouvrent-elles des brèches dans la mythologie dominante voulant que le système économique et financier construit par les élites est inéluctable et ne peut être transformé ? Peuvent-elles ébranler le monopole des banques centrales nationales sur leur territoire et le rôle central des banques commerciales dans la création de la monnaie ? Ou plutôt, sont-elles condamnées à la marginalité ?

Voici plusieurs questions auxquelles il est difficile de répondre. Une analyse du potentiel transformateur des systèmes monétaires et d'échanges complémentaires doit nécessairement prendre en compte de nombreux facteurs dont la croissance des marchés, la diversité des biens et services, le rôle et les formes des monnaies de même que de nombreuses considérations plus globales aux plans culturel, social, politique et technologique.

Considérées comme des lubrifiants du système économique, les monnaies sont incontournables. Elles ont pris de l'importance parce que les marchés se sont infiltrés dans tous les domaines de la vie quotidienne mais aussi elles se sont transformées sous l'influence des moyens technologiques et de l'acceptation grandissante par les consommateurs du commerce totalement délocalisé et des moyens de paiement maillés avec diverses technologies. Dans certains pays, les téléphones « intelligents » servent déjà aux transactions courantes. On peut se demander si ces facteurs favoriseront la diversification des modèles ou le contrôle centralisé des moyens de paiements, les rendant complémentaires les uns des autres. On peut aussi se demander si la présence de systèmes alternatifs remet en question les principales pratiques commerciales, par exemple les systèmes ouverts en informatique permettent-ils à la production et à la diffusion des connaissances de s'affranchir des logiques commerciales, comme l'affirment les personnes et associations engagées dans les initiatives centrées sur les biens communs(3).

La crise des années 30 a provoqué des changements majeurs au regard du contrôle des monnaies. Depuis lors, dans l'esprit des citoyens les états sont responsables de voir à ce que les monnaies remplissent des fonctions essentielles à la vie économique. On constate malheureusement que leurs décisions ont plutôt facilité des dérives et même cautionné l'orgie spéculative dans les milieux financiers et autres, entraînant une fracture insoutenable entre les possédants et les démunis. La crise actuelle provoquera-t-elle un sursaut digne de son ampleur ?

Des changements drastiques dans la régulation des transactions et institutions financières s'imposent cependant une modification en profondeur des valeurs qui sous-tendent la consommation et la production paraît tout aussi essentielle à une transition susceptible d'ébranler les fondements du système économique dominant.

Sources intéressantes à consulter :
La Lettre de septembre 2012 de l'Institut Veblen (qui porte exclusivement sur la question des monnaies) : lire en ligne.

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Notes

1 : Pour un tour d'horizon de l'histoire économique et des échanges, lire Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Éd. Arthaud, 1985.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Ces informations sont principalement tirées du Livret des résumés du Colloque.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

3 : Pour information sur l'initiative Remix les biens communs, voir le site Remix the commons. ** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

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