Bulletin spécial - Journée d’étude 2022 : Contrer le pouvoir du numérique. Ensemble c’est possible !

Un bulletin précédent s’est déjà penché sur l’envahissement de nos vies par toutes les « facilités » que nous offre le numérique, mais surtout sur ses multiples conséquences sur nos vies et nos sociétés. La journée d’étude invitait les conférenciers à approfondir la réflexion en questionnant l’origine du pouvoir des entreprises numériques et comment le contrer Journée étude : Contrer le pouvoir des entreprises numériques : Ensembles, c’est possible ! On peut visionner l’enregistrement de la journée d’étude ici.

Pour Jonathan Durand Folco, la notion de capitalisme algorithmique est indispensable pour comprendre les nouvelles formes d’influence du numérique qui émergent dans les années 2000 à la convergence des transformations économiques et technologiques. Il montre les formes de pouvoir plus subtiles, donc plus difficiles à encadrer, qui en résultent. La dynamique d’accumulation et les nouvelles formes de pouvoir de ce capitalisme amènent de nouvelles formes d’exploitation et de précarisation du travail qui sont loin de disparaitre.

Pour Samuel-Élie Lesage, une composante essentielle du pouvoir des entreprises numériques réside dans le recours aux paradis fiscaux qui leur a donné l’opportunité de mettre en place une nouvelle étape de la production capitaliste, l’économie numérique. Mettre fin à leur pouvoir demandera bien plus que d’imposer leurs profits, mais de changer en profondeur les règles de la finance internationale. Ce qui serait possible, mais qui demandera beaucoup de courage politique !

Pour Nicole Paul, définir l’impact des entreprises numériques sur l’environnement demande préalablement de parler de numérique responsable. Si l’écoresponsabilité peut être contestée, c’est surtout la consommation qui est en cause. Fabriquer moins d’appareils, allonger leur durée de vie en mettant fin à l’obsolescence programmée sont les conditions premières. Le modèle économique des GAFAM est à l’extrême opposé de la sobriété numérique que propose le Collectif Numérique Responsable pour éviter les effets négatifs du numérique sur l’environnement. Les pistes de solutions sont à la fois individuelles – prise de conscience des consommateurs – et politiques, encadrement par une législation plus contraignante.

L’intervention d’Anne Sophie Letellier nous invite à réfléchir sur les pratiques de résistance face au pouvoir des géants du numérique et à leur omniprésence dans nos vies. C’est le modèle d’affaires qui consiste à monétariser les données et informations obtenues par la surveillance des contenus qui leur donne le pouvoir économique et informationnel. Deux avenues s’offrent pour l’action tant individuelle que collective : la déconnexion, mais plus encore l’utilisation de plateformes alternatives. Pour réussir à briser leur pouvoir, des mesures institutionnelles et législatives sont indispensables, mais s’il n’y a pas de pressions populaires, les réformes ne viendront jamais à l’agenda politique.

Dominique Leclerc, devant la difficulté d’encadrer le pouvoir du numérique, nous propose d’encourager et de promouvoir les initiatives qui tentent de faire vivre l’internet autrement.

Alors que la conclusion s’impose, pour vaincre le pouvoir des géants du numérique l’encadrement législatif est indispensable. Le texte de Nathalie Guay montre les difficultés auxquelles s’est heurté le gouvernement fédéral dans ses tentatives d’encadrement normatif d’une partie du secteur culturel. Après le dépôt de loi C10 - modifiant la Loi sur la radiodiffusion – un lent et laborieux processus a mené au projet de loi C11 qui a mobilisé – à tort - d’autres opposants au nom de la liberté d’expression. Un autre projet de loi devrait lui succéder, mais pour que cette bataille - comme celles à venir – réussisse, un appui populaire est incontournable pour contrer le lobbying agressif que déploient les géants du numérique avec pour objectif de limiter la portée des politiques publiques.