La surveillance numérique : au profit de qui ?

En ces temps de pandémie où la vie serait impossible sans toutes les « facilités » que nous offre le numérique, l’Aiguillon analyse les multiples conséquences de son envahissement dans nos vies.

Dans le billet, Jacques Bouchard montre le rôle qu’ont joué les réseaux sociaux dans les conséquences dramatiques des dernières élections américaines, rôle qu’ils ont joué dès le début de la présidence de Donald Trump et qui a culminé avec les événements du 6 janvier. Mais ces élections révèlent également un autre phénomène : la montée de la prédominance des droits individuels sur les droits collectifs.

Cette crise politique et sociale révèle l’immense défi qui nous confronte devant le mur de la crise climatique laquelle demande une transformation radicale de nos manières de vivre. Comment décider ensemble pour le bien de la planète dans un contexte où le néolibéralisme a généralisé le chacun pour soi ? Là est notre défi.

L’article de Jeanne Gendreau donne la mesure de l’envahissement du numérique dans nos vies en en montrant l’autre face : le pouvoir des géants du numérique et leur monstrueux enrichissement. Le tournant civilisationnel de la « civilisation du clic » a imposé un nouveau mode relationnel du chacun dans sa bulle lesquelles sont reliées entre elles par des plateformes numériques. Avec pour conséquences d’asseoir le pouvoir de ces géants sur l’ensemble de la société en s’enrichissant démesurément. Bienvenue à l’ère du capitalisme de surveillance qui par chacun de nos clics veille à notre « bien-être » de consommateur. S’il n’est plus possible de vivre sans ces « facilités » que les Google et Facebook ont apportées dans nos vies, le temps est venu d’en contester le contrôle capitalistique et de voir comment en faire des outils au service du bien commun.

Dans cet article sur le commerce numérique, Ronald Cameron nous démontre clairement que ce sont les traités de libre-échange qui ont permis l’hégémonie des multinationales numériques. Ces traités, fort complexes et négociés presque en secret, ont pavé la voie à une circulation sans entrave des biens virtuels. Parmi eux, les produits culturels et les données personnelles. Les quelques limitations à cette dérèglementation et les incitations à la consommation « locale » ne peuvent empêcher la croissance exponentielle des Amazon et Netflix de ce monde. Pour Ronald Cameron, toutes les règlementations reliées au commerce numérique, que ce soit par les traités de libre-échange ou par d’autres instances, si elles sont discutées et négociées dans le cadre du néolibéralisme, ne peuvent qu’accentuer les inégalités, principalement entre les pays du Nord et du Sud.

Jeanne Gendreau, dans son 2ème article, se demande si les voix qui s’élèvent de plus en plus pour dénoncer l’hégémonie des multinationales numériques et les timides tentatives de quelques États -même puissants- pour les réguler sont suffisantes pour amorcer un processus de réappropriation commune. Un mouvement citoyen – et démocratique- est-il encore possible alors que nous sommes tous obligatoirement rivés à nos écrans ?

Dans son article, Pierre Henrichon questionne également la possibilité de contrer le monopole des géants du numérique. Bien qu’elles contreviennent aux lois antitrust américaines, le caractère immatériel des richesses qu’ils accumulent- les données personnelles- nécessiterait une autre forme de législation. Ces données, prises individuellement, ne valent rien, mais leur agrégation leur donne une valeur inestimable. Étant générées par des milliards d’individus, elles constituent en fait un bien collectif. Contrer le pouvoir de ces géants demanderait d’abord de reconnaitre leur propriété collective, ce qui permettrait, dès lors, une gestion publique qui régulerait tant leur captation, leur transformation, leur distribution et surtout leur utilisation.

Dans sa 6e chronique, Chantal Santerre analyse les principes sur lesquels repose l’impôt, notamment l’autocotisation qui signifie que chacun est tenu de déclarer la totalité de ses revenus. L’évasion fiscale consiste dans l’utilisation de stratagèmes qui ont pour but de payer moins d’impôt et constitue un geste criminel. Il faut surtout souligner que payer ses impôts est un geste citoyen parce qu’il permet les programmes qui contribuent à construire une société plus juste.