Bulletin, avril 2021

Québec 2001-2021 : Mémoire, leçons et perspectives

par Robert Jasmin

ATTAC-Québec venait à peine de voir le jour lorsqu’en 1999, des militants et des militantes s’impliquèrent profondément dans l’organisation de la résistance citoyenne contre l’offensive néolibérale qui avait choisi Québec comme lieu d’accomplissement de ses basses œuvres lors du Sommet des Amériques de 2001. Au-delà des événements marquants des affrontements qui eurent lieu lors de cette semaine d’avril 2001 et de la victoire citoyenne continentale trois ans plus tard, il faut retenir de cette bataille, la longue préparation de plus d’un an de mobilisation et surtout de formation et d’information à laquelle ATTAC a participé très activement.

Les Brigades d’information citoyenne-Les Bic Propos recueillis par Monique Jeanmart

Inventées à Cuba pour vaincre l’analphabétisme, les Brigades d’alphabétisation , avaient pour mot d’ordre que chaque personne qui sait lire et écrire forme une brigade avec sa famille et ses voisins et leur enseigne à lire et à écrire. Cette stratégie a été une réussite sans précédent dans l’histoire de l’alphabétisation reconnue par l’UNESCO tant par sa simplicité et son originalité que par les résultats obtenus.

De retour de Cuba après une rencontre de l’Alliance continentale, Robert Jasmin et quelques militants et militantes ont eu l’idée de convertir cette stratégie pour en faire un outil d’éducation économique et politique. Avec l’aide de la CEQ, qui a prêté locaux et machines d’impression, ont été produites des trousses citoyennes, petites cassettes contenant le matériel. En 2004, une grande activité de lancement s’est tenue à Rimouski. Pendant 3 jours, 50 militants et 50 militantes venu.e.s de partout au Québec ont démarré cette grande campagne qui pendant plusieurs années portera le message d’ATTAC dans tous les milieux partout au Québec.

Nous avons retourné contre elle-même toute la publicité-propagande des néolibéraux qui ont attiré l’attention sur le Sommet des Amériques. La curiosité des citoyens fut telle que nous avons eu peine à répondre à la demande d’information venue de partout. Des rencontres de formation ont donc été organisées dans les CLSC, dans les Cégeps, les universités, les communautés religieuses….et même dans un groupe de gens d’affaires. La bataille contre le Sommet du libre-échange s’est élargie en une bataille contre le néolibéralisme dont le libre-échange était une composante.

Ce sont aussi des militants d’ATTAC-Québec qui, dans la foulée de cette lutte mémorable, ont eu l’idée de créer les BIC, les Brigades d’Information Citoyenne, qui

se sont répandues dans tout le Québec avec une trousse comprenant des fascicules sur les effets du néolibéralisme dans tous les domaines de la vie sociale et politique.
ATTAC-Québec a donc parfaitement accompli la mission qu’elle s’était donnée lors de sa création.

Il y a 20 ans, René Passet, premier président du conseil scientifique d’ATTAC, nous invitait à briser les limites du champ d’action imposées par la finance et à réaliser un mondialisme fondé sur l’unité de la communauté humaine. Cette incitation est encore plus valable aujourd’hui avec un développement des communications qui transcendent les frontières et un accroissement des inégalités entre nations et au sein des nations. ATTAC demeure plus que jamais pertinente dans sa lutte traditionnelle pour une fiscalité qui non seulement doit être revue de fond en comble, mais qui doit s’arrimer à la lutte pour un environnement où la croissance serait humanisée et limitée. La crise sanitaire et ses conséquences économiques commencent à modifier la donne : de plus en plus de personnes constatent la faillite du néolibéralisme, redécouvrent l’importance de l’État dans la redistribution des richesses et le besoin de régulation qui est nécessaire dans tous les domaines.
C’est un constat paradoxal, car malgré un accroissement de ce niveau de conscience, on a constaté un effondrement des gauches politiques un peu partout. Mais il semble y avoir un sursaut de sens commun dans une partie de la gauche politique, notamment aux États-Unis et au Brésil où l’espoir est permis. On ne peut cependant mettre tout notre espoir dans la lutte politique traditionnelle. Il faut revenir à la nécessaire mobilisation citoyenne pour une information et une formation dans tous les milieux. ATTAC demeure un modèle du type d’associations dont la société a besoin plus que jamais.




ATTAC-Québec