Bulletin, octobre 2019

Paradis fiscaux : Faire un choix pour une vraie justice fiscale

par Jacques Bouchard

Le 20 juin dernier, le directeur du budget publiait un rapport estimant, d’une part, que le budget fédéral sera dans le rouge de 20,7 milliards cette année et atteindra un déficit de 23,3 milliards l’année suivante, avant de s’abaisser à 12,5 milliards d’ici 2022. D’autre part, il signalait une piste de solution pour combler une partie du manque à gagner : retrouver les revenus perdus à travers l’évasion fiscale, les paradis fiscaux à l’étranger et aussi l’évitement fiscal, qui, bien que légal présente des échappatoires contraires à l’esprit des lois sur l’impôt.

Le directeur du budget après analyse des transferts électroniques au Canada et à l’étranger, ainsi que des déclarations de revenus spéciales, a formulé une estimation « hypothétique » selon laquelle 25 milliards en impôts dus par les sociétés auraient été perdus. Cette évaluation est nettement supérieure à celle de l’Agence du revenu du Canada qui avait estimé dans son rapport publié deux jours plus tôt, que l’impôt perdu sur le revenu des entreprises en 2014 se situait entre 9,4 et 11,4 milliards.

C’est dire à la fois l’ampleur du problème et le laxisme des gouvernements successifs, conservateurs et libéraux dans cette lutte. Tout électeur devrait se soucier de cette situation et appuyer les partis ainsi que les candidats et candidates de leur circonscription qui soutiennent un changement majeur dans la politique fiscale canadienne.

12 travaux pour cesse l’injustice fiscale

Pour vous permettre de faire un choix éclairé, le Collectif Échec Aux Paradis fiscaux, à lequel contribue activement Attac-Québec, a mis sur pied la campagne «  12 travaux pour que cesse l’injustice fiscale ». L’objectif de cette campagne est de convaincre les partis politiques fédéraux d’adopter les revendications proposées par le Collectif dans leur programme. Ainsi au cours des dernières semaines, le Collectif a fait parvenir une correspondance à toutes les personnes élues du palier fédéral du Québec et de l’ensemble du Canada et a sollicité des rencontres avec chaque parti politique pour les inciter à jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale dans la lutte aux paradis fiscaux.

Les douze revendications du Collectif pour la justice fiscale [1] se lisent comme suit :

1. Bonifier substantiellement les ressources de l’ARC
2. Augmenter la transparence et la reddition de comptes de l’ARC.
3. Criminaliser l’évitement fiscal et sévir davantage contre les fraudeurs.
4. Encadrer et restreindre davantage le recours à la divulgation volontaire
5. Limiter et encadrer les règlements hors cour.
6. Travailler de concert avec Revenu Québec. Doter le Canada de nouveaux moyens pour lutter contre les paradis fiscaux
7. Mettre en place un registre public des bénéficiaires ultimes.
8. Instaurer une taxe sur les profits détournés (Google Taxe)..
9. Imposer adéquatement l’économie numérique et revoir les liens du Canada avec des paradis fiscaux notoires
10. S’inspirer des recommandations de la Commission des finances publiques du Québec.
11. En finir avec l’abus de la double non-imposition.
12. Promouvoir auprès des partenaires internationaux la mise en place d’une taxation unitaire des multinationales

Quelques promesses

Nous n’avons eu, en date du 7 octobre 2019, suite à nos envois systématiques à tous les partis canadiens, qu’une réponse du NPD qui affirme vouloir lutter contre l’évasion fiscale en obligeant entre autres, les sociétés à démontrer la raison économique de leurs transactions à l’étranger tout en demandant aux grandes entreprises d’être plus transparentes sur leurs revenus réels.

Les libéraux, quant à eux, imposeraient à partir du 1er avril 2020 une taxe de 3 % sur tous les profits des géants du web au Canada. La mesure est copiée sur celle déjà adoptée par le gouvernement français.

Quant aux Conservateurs, ils affirment, sur leur plateforme, qu’ils veulent taxer les géants du Web. Mais le comment, le pourquoi et le combien n’est pas expliqué ou même mentionné.

Le Bloc québécois propose d’imposer les géants du web à hauteur de 3 % de leur chiffre d’affaires réalisé au Canada. Il exigerait que les fournisseurs de services en ligne, comme Netflix, soient tenus de facturer la taxe de vente. Le parti ne permettrait plus aux entreprises canadiennes d’obtenir une déduction fiscale pour leurs dépenses en publicité sur des sites web étrangers.

Le Bloc exigerait qu’Ottawa impose les profits que les entreprises rapatrient des paradis fiscaux et qu’il examine les moyens mis à la disposition de l’Agence du revenu du Canada pour enquêter sur les échappatoires fiscales.

Le Bloc souhaite sur sa plateforme, qu’il n’y ait qu’une seule déclaration d’impôts, perçue par Revenu Québec.

Le Parti vert mettrait fin à la déduction pour option d’achat d’actions et celle sur les gains en capital. Les verts taxeraient aussi les fonds dans les paradis fiscaux et exigeraient que les entreprises prouvent que leurs filiales à l’étranger sont de vraies entreprises menant des activités à des fins fiscales. Le parti ne permettrait plus aux entreprises canadiennes d’obtenir une déduction fiscale pour leurs dépenses en publicité sur des sites web étrangers et imposerait une taxe de 0,2 % sur les transactions financières des multinationales de commerce en ligne qui font affaire au Canada. Il mettrait fin à la déduction pour option d’achat d’actions et celle sur les gains en capital. Il taxerait les fonds dans les paradis fiscaux et exigerait que les entreprises prouvent que leurs filiales à l’étranger sont de vraies entreprises menant des activités à des fins fiscales.

Le désir des différents partis de lutter contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale, semble bien faible en comparaison des revendications du collectif Échec aux paradis fiscaux. Cet enjeu ne semble pas être au cœur de leurs préoccupations, malgré les nombreuses campagnes et actions de sensibilisation des dernières années. Les cris d’alarme, les mobilisations ne semblent pas avoir eu beaucoup d’écho.

Notes

[1Pour consulter les réactions des partis politiques aux revendications du Collectif Échec aux paradis fiscaux http://www.echecparadisfiscaux.ca/solutions/




ATTAC-Québec