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Lettre d’ATTAC-Québec transmise à Thomas Mulcair, chef du NPD : L’AÉCG est une mauvaise affaire en cours

Montréal, le 18 mars 2013

M. Thomas Mulcair
Chef du Nouveau parti démocratique
Député d’Outremont

Objet : L’AÉCG est une mauvaise affaire en cours !

Monsieur Mulcair,

Au nom des membres d’ATTAC-Québec et aussi en tant qu’électeur de votre circonscription, je vous écris pour vous faire part de mes vives préoccupations concernant l’Accord économique et commercial global (AÉCG) négocié entre le Canada et l’Union européenne. Je suis heureux de voir que votre parti amorce un processus de consultation sur le sujet du commerce et j’espère qu’il sera l’occasion de réfléchir aux graves enjeux que ce type d’entente pose et d’envisager les nouvelles voies que pourraient prendre les échanges entre les pays dans l’avenir.

Depuis des années, le gouvernement Harper nous demande de croire que cet accord de libre-échange est bien pour nous, mais impossible pour la population comme pour les élus de voir les textes de ces négociations secrètes. Ces dernières semaines, voilà que c’est vous qui nous dites : mais attendez de voir ces textes finaux pour le croire… que c’est peut-être pas si pire que vous pensez…

Ce faisant, le NPD oublie une chose : l’AÉCG est une affaire en cours si préoccupante que les fuites de documents officiels se multiplient depuis des mois. La société civile a analysé leur contenu et on sait pas mal de choses sur ce qui se trame dans le dos de la population.

Il oublie aussi une deuxième chose : le NPD lutte depuis des décennies contre le libre-échange parce que certains de ses grands principes – qui se retrouvent dans l’AÉCG – sont contraires à la construction d’une société démocratique favorisant la justice sociale.

Pour tenter de se rapprocher du pouvoir, vous et vos députés sont-ils désormais prêts à ce que tous les élus et la population au pays perdent, en fait, du pouvoir ? Car c’est ça, au fond, l’AÉCG.

• Les citoyens, la société civile, voire la majorité des élus n’ont pas eu droit à un véritable processus de consultation démocratique concernant cet accord aux graves conséquences, avant qu’il ne soit un fait accompli. Seuls les lobbies d’affaires ont été privilégiés.

• Nous continuerons collectivement de payer des millions de dollars en raison du pouvoir toujours accru accordé aux multinationales de poursuivre nos États pour contester des mesures pourtant légitimes et légales. Le pouvoir de légiférer des élus, l’intérêt public et notre système juridique (qui pourrait fort bien traiter ces litiges) en sont affaiblis [1].

• Les gouvernements municipaux et provinciaux ne pourront plus favoriser le développement local dans le cadre des marchés publics (de plus de 320 000$ et 7M$ dans le secteur de la construction) qui auront été ouverts aux entreprises européennes dans l’AÉCG. Nos compagnies locales en pâtiront. De plus, ce qui aura été concédé à l’Europe risque fort d’être exigé par les compagnies américaines.

• Les contribuables, les employeurs et les systèmes de santé provinciaux risquent de payer cher pour des médicaments dont les brevets auront été prolongés, plutôt que d’avoir accès plus tôt aux versions génériques. Coût de cette concession que le Canada a indiqué être prêt à faire : 900 millions de dollars par année [2].

• La Commission européenne – ultra-libérale, non élue et très proche des lobbies d’affaires [3] – est celle qui négocie l’AÉCG. Elle n’a guère la réputation d’être un partenaire commercial soucieux des droits humains et sociaux. Toujours confrontée à la crise européenne, elle ose vouloir affaiblir notre système financier et bancaire [4].

• Même le pouvoir de bien protéger notre culture, voire notre langue, est menacé puisque la culture est négociée plutôt que de bénéficier d’une exemption générale, ce qui renie les visées de la Convention de l’Unesco sur la diversité culturelle signée par le Québec et le Canada.

Et tout cela pourquoi ? Pour défoncer les portes d’un marché qui est déjà très ouvert ? Nos entreprises les mieux placées pour profiter de l’AÉCG ont déjà des filiales en Europe et un accès garanti aux contrats qu’elles peuvent y réaliser. Les produits canadiens font l’objet d’un tarif moyen de 2,2 % pour entrer dans l’UE [5]. Certes, c’est plus élevé pour des produits tels le porc et le bœuf, mais faut-il pour autant accepter un accord qui s’annonce des plus inéquitables ? L’AÉCG affaiblira l’ensemble de la sphère publique au profit du privé, en accordant des droits abusifs et disproportionnés aux grandes entreprises, au détriment de la majorité de la population.

Il est plus que temps d’innover M. Mulcair – comme le fait par exemple l’Australie qui refuse désormais de négocier des accords qui contiennent un mécanisme de règlement des différends investisseur-État – pour imposer des échanges commerciaux vraiment conçus dans l’intérêt public, avant tout. C’est ça que les électeurs attendent d’un parti comme le NPD.

Nous comptons sur votre vigilance et votre opposition active dès maintenant concernant cet AÉCG qui est et qui risque fort de se confirmer comme étant une mauvaise affaire pour le Québec et le Canada.

En vous remerciant de votre attention, recevez, Monsieur Mulcair, mes salutations distinguées.

Claude Vaillancourt
Président
ATTAC-Québec

c.c. Guy Caron, porte-parole adjoint, Commerce international, NPD
Don Davies, porte-parole, Commerce international, NPD


Écrivez à votre tour à votre député, s’il est du NPD, pour lui dire que l’AÉCG est une mauvaise affaire en cours !

Notes

[1Déclaration Québec-UE, 5 février 2013.

[2National Healthwatch.ca, 14 novembre 2012.

[4 Le Devoir , 28 février 2013.

[5Alexandre Maltais, « Le Québec fera-t-il les frais d’une entente déséquilibrée ? », IRÉC, mars 2012, p. 3.




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