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Attac

La dette : vérité, mythes et mensonges

Aide sociale, immigration, Conseil des arts et des lettres, après la santé, l'éducation et les régions, la guillotine gouvernementale continue ses ravages. Après avoir questionné les politiques d'austérité (avril 2015) le bulletin consacre une édition spéciale à la dette du Québec parce qu'elle est le prétexte idéal pour déconstruire l'État social. Il apparait dès lors prioritaire de comprendre et de démystifier cette dette dont on nous dit qu'elle est insoutenable.

En mars se tenait à Tunis le 13e Forum social mondial, une membre du Conseil d'administration d'Attac y a participé et nous en rapporte la richesse des ateliers, mais surtout l'énergie et la motivation retirées de ses échanges avec des militants venus de partout.

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Un audit citoyen de la dette au Québec ?

Par Claude Vaillancourt

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La dette publique est toujours le prétexte idéal pour déclencher des mesures d'austérité. Les gouvernements mettent surtout l'accent sur la nécessité d'atteindre le déficit zéro. Mais en fait, cet objectif devient nécessaire parce qu'une dette trop élevée n'offre plus de marge de manœuvre et entraine une gestion très serrée des budgets. Devant une dette toujours croissante, et les montants élevés consacrés au remboursement de la dette, nous n'avons donc plus le choix, nous disent nos gouvernements : il faut appliquer des politiques de rigueur économique.

Nous savons cependant que cette situation a été causée principalement parce que ces gouvernements, tant fédéral que provincial, ont choisi de se priver de milliards de dollars en impôts chaque année. Mais la dette publique est bien réelle, alarmante nous disent les gens de la droite, et il faudra bien la rembourser un jour avant que le service de la dette n'accapare une portion toujours plus importante des dépenses publiques. À voir le compteur de la dette sur le site Web de l'Institut économique de Montréal, qui fait défiler à une vitesse vertigineuse un montant qui croît dramatiquement chaque seconde, on se dit qu'il faut bien faire quelque chose.

Le premier comportement à adopter est cependant de garder son calme et de chercher à bien comprendre notre dette. L'un des meilleurs moyens d'y arriver est d'entreprendre un audit citoyen de la dette - ou une vérification citoyenne de la dette. Le fait de se pencher sur notre dette permet de savoir à qui l'on doit, combien on doit, d'où viennent nos dettes et dans quelles conditions les prêts ont été faits.

Cet exercice a été accompli dans des pays du Sud, en Argentine et en Équateur plus précisément, et détermine quelle partie de la dette doit être réellement remboursée. Une dette odieuse par exemple, concoctée par une dictature pour financer la répression de sa population, n'a pas à être honorée. Certes, ceci ne concerne en rien le Canada ou le Québec. Mais une partie de notre dette pourrait être illégitime ou illégale, dans le cas où les emprunts n'auraient pas été faits selon les règles. Faut-il alors rembourser ces montants douteux ?

Un audit citoyen de la dette demande une collaboration entre des experts, capables de bien comprendre le contenu des livres comptables, et des citoyennes et des citoyens engagés, qui font connaître les recherches entreprises et exigent des politiques conséquentes. Cet exercice est complexe, exigeant et demande un travail considérable.

L'audit de la dette devient aussi un excellent outil pour combattre la propagande officielle. Il permet d'aborder la question de la dette avec des connaissances appropriées et de s'attaquer efficacement à ce qui justifie le démantèlement de l'État social. ATTAC-Québec a l'intention de poursuivre une réflexion à ce sujet et de chercher des appuis pour évaluer dans quelle mesure cet exercice est envisageable pour le Québec.

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La dette, elle a bon dos...

par Chantal Sancerre

BOUH !

Vous avez sûrement déjà entendu parler du compteur de la dette québécoise de l'Institut économique de Montréal (IEDM) et vous avez peut-être déjà eu la curiosité d'aller sur son site pour l'observer. Si ce n'est déjà fait, allez-y, ça vaut le coup d'œil. En voici le lien : www.iedm.org/fr/57-compteur-de-la-dette-quebecoise.

Lorsqu'on s'intéresse à la pensée critique et aux erreurs de raisonnement en particulier, on est souvent à la recherche de bons exemples pour pouvoir les illustrer. Ce compteur à lui seul peut servir à mettre en évidence certains d'entre eux.

Le premier qui vient à l'esprit est l'appel à la peur. Voir défiler ces chiffres à une vitesse folle et toujours à la hausse - et on ne parle pas là d'un petit chiffre, mais bien de 275 et quelques milliards$ - avec juste au-dessus, « Dette du Québec », cela impressionne.

Ensuite quand on parvient à quitter des yeux le compteur, on voit juste dessous, le montant de la dette par contribuable. Là encore on s'affole un peu beaucoup. Au moment où j'écris ces lignes (12 juin), chacun des « contribuables » du Québec a une dette de 68 295,44 $, ce qui n'a rien de rassurant !

Finalement, si vous descendez un peu plus bas vous apprenez, ce que le montant de la dette représente, comment ils l'ont calculé et de quelle manière il augmente. Laissons-les s'en expliquer : « Notre » compteur de la dette québécoise « montre en temps réel la croissance de la dette du secteur public. Il s'agit de la dette brute du gouvernement, à laquelle on ajoute la dette des réseaux de santé et d'éducation, des municipalités et des autres entreprises sous la responsabilité finale du gouvernement. En nous basant sur les données fournies par le ministère des Finances dans son Plan budgétaire 2015-2016 (qui excluent la part de la dette fédérale qui revient au Québec), nous en venons à estimer que la dette augmentera de 6,6 milliards $ d'ici au 31 mars 2016, ou 18 millions $ par jour, ou 12 516 $ par minute, ou 209 $ par seconde ».

Rattachez-moi ce chiffre que je ne saurais voir sans cela !

Dans le Budget 2015-2016 - Le plan économique du Québec, on peut voir que la dette prévue au 31 mars 2015 est de 274,504 milliards $. Le compteur, on l'a vu, la fixe en date du 12 juin à 275 et quelques milliards $. On peut donc penser que ce chiffre est plausible. Mais il y a bel et bien des problèmes avec ce chiffre et avec ce compteur. Voyons cela.

On dit d'une donnée chiffrée qu'elle est détachée lorsqu'elle ne réfère à rien ou lorsque son référent est approximatif et ne permet pas de savoir précisément de quoi on parle.

Dans le cas de l'IEDM, on a ramené le montant total de la dette à un montant de la dette par contribuable. Cela devrait-il nous aider à comprendre ? Ou bien nous faire peur ?

Pour y voir clair, demandons-nous à quoi cette donnée est rattachée. En date du 12 juin 2015, si on prend la dette de 275 et quelques milliards $ et qu'on la divise par la dette attribuée à chaque contribuable, soit 68 295,44 $, on obtient un peu plus de 4 millions de contribuables. Cela représente à peu de chose près, selon les statistiques fiscales des particuliers pour l'année 2012, le nombre de contribuables imposables, c'est-à-dire ceux et celles qui paient de l'impôt : et donc pas l'ensemble des contribuables et encore moins l'ensemble des citoyens.

Selon les membres de l'IEDM, ce ne sont qu'eux, les contribuables imposables, qui sont responsables de la dette et qui vont devoir payer la dette.

De plus, les sources de revenus du Gouvernement du Québec ne sont pas seulement l'impôt des particuliers. Il y a aussi l'impôt des sociétés, la taxe à la consommation, les revenus provenant des sociétés d'État (entre autres Hydro-Québec, Loto-Québec, SAQ), les transferts fédéraux. Et puisqu'on parle de la dette du secteur public, il y a aussi toutes les taxes foncières, scolaires et autres contributions diverses qui proviennent de l'ensemble des citoyens.

Ramener la dette aux seuls contribuables imposables donne donc la fallacieuse impression d'une plus grosse dette pour chaque individu. De plus, pour ceux et celles qui contribuent à l'impôt sur le revenu des particuliers, cela leur donne l'impression que ce sont eux et eux seuls, qui vont payer la facture et ce individuellement. Mais la dette du Québec, c'est la dette de l'ensemble de la société québécoise. C'est pourquoi l'usage est de calculer la dette en % du PIB lorsqu'on veut la comparer et être ainsi mieux à même de juger de son importance.

Le choix des mots

Il y a un autre problème avec cette présentation décidément intéressée des faits, le terme « contribuable », utilisé dans ce contexte, a une connotation négative; le contribuable ne fait que payer, et cela est très réducteur. Au contraire, le terme citoyen, désigne celui qui contribue lui aussi à la société, mais qui bénéficie en plus des services qui lui sont offerts par le fait d'appartenir à la dite société. Il est important de le dire puisque la dette publique ne vient pas seule, elle est la source des différents investissements en infrastructures, en éducation, en santé, en culture, en développement économique etc.

Les différentes mesures d'une dette publique

Le choix de présenter le chiffre de la dette du secteur public, plutôt qu'une autre mesure de la dette publique, n'est pas non plus anodin. Il existe en effet plusieurs mesures de la dette et c'est celui-là qui donne le résultat le plus élevé. Dans le tableau ci-dessous, on peut voir le calcul de la dette du secteur public qui ajoute à la dette brute, la dette d'Hydro-Québec, des municipalités, des universités et des autres entreprises du Gouvernement. Cette dette représente en date du 31 mars 2014, 72,4 % du PIB.

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Source : Ministère des finances du Québec dans son Budget 2015-2016- Le plan économique du Québec

Toujours en date du 31 mars 2014, les autres mesures de la dette, toujours en pourcentage du PIB, que vous trouvez dans le tableau ci-dessous, sont moindres que celle de la dette du secteur public.

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La dette brute comprend la dette directe à laquelle on ajoute les passifs au titre des régimes de retraite et des avantages sociaux futurs et de laquelle on soustrait le Fonds des générations.

La dette nette est le résultat de la dette brute de laquelle on a soustrait les actifs financiers qui sont des actifs à court terme, notamment l'encaisse ainsi que les placements à court terme que l'on peut rapidement transformer en liquidité.

Bonne dette, mauvaise dette

C'est là une distinction importante à comprendre.

C'est la dette nette que l'ont dit divisée en « bonne » et « mauvaise » dette, parce que d'une part elle a servi à financer les investissements en immobilisations (bonne dette) et que d'autre part elle a servi à financer les dépenses de fonctionnement (mauvaise dette).

Ce qui nous amène à un dernier calcul de la dette, celui de la dette représentant les déficits cumulés (la mauvaise dette).

Un calcul trompeur

On pourrait penser que le gouvernement additionne l'ensemble des déficits pour lesquels il a dû contracter une dette pour déterminer la dette représentant les déficits cumulés. Ce n'est pas le cas. Dans les faits, comme on peut le voir dans le tableau E8, le Gouvernement calcule la dette représentant les déficits cumulés en soustrayant tout simplement de la dette nette les actifs non financiers qui, eux, correspondent au solde non amorti des immobilisations. Ce calcul a pour effet de surévaluer la part de la dette représentant les déficits cumulés et cela sans compter l'impact des réformes comptables de 1997 et de 2009 qui ont eu pour effet d'augmenter le poids de la dette en pourcentage du PIB.

Toujours dans le tableau E8, si on se compare avec les autres provinces et avec le Fédéral, nous sommes effectivement la province la plus endettée; mais nous sommes aussi celle qui offre le plus de services à ses citoyens. Nous ne prétendons pas nier l'importance et le sérieux de la dette du Québec, mais nous ne voulons pas non plus dramatiser la situation.

Si on se compare cette fois aux autres pays de l'OCDE, on doit faire un nouveau calcul parce que l'OCDE a son propre calcul de la dette publique. Elle ajoute à la dette directe les autres éléments de passif, la dette des municipalités et celle des réseaux. En date du 31 mars 2014, en utilisant les chiffres des tableaux E7 et E8, cela donnerait un total de 192 793 millions $, soit 53,1 % du PIB ce qui nous place en dessous de la moyenne de l'OCDE. Nous n'ajoutons pas la proportion de la dette fédérale attribuable au Québec, comme certains le font, parce qu'elle n'est pas sous la responsabilité du Gouvernement du Québec et c'est cette dette-là que le Gouvernement du Québec veut réduire.

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Le Québec n'est pas la Grèce, et cela vaut aussi pour la dette

La dette de la Grèce était de plus de 120 % de son PIB en 2014, selon le tableau ci-dessus, ce qui est nettement supérieure au 53,1 % du Québec.

Les cotes de crédit de la Grèce sont de CCC chez Standard & Poors et Fitch et celle de Moody's est de Caa2. Ces cotes se traduisent en terme de risque comme étant ultra spéculatif, donc à risque élevé.

Par contre, celles du Québec au 31 mars 2014 étaient de A+ chez Standard & Poors, de Aa2 chez Moody's et de AA- chez Fitch, qui sont des cotes signifiant que la capacité de payer du Québec est de qualité élevée et de qualité moyenne élevée, donc sans risque.

Finalement il est important de savoir que tous les pays ne remboursent pas leur dette : ils paient les intérêts et lorsque les dettes sont à échéance, ils réempruntent les sommes nécessaires pour les rembourser et ce sont ces tranches échues de la dette qui doivent être renégociées et c'est là que les cotes de crédit ont un impact, parce que plus la cote est mauvaise, plus le taux d'intérêt sera élevé : il sera alors difficile d'emprunter à des taux raisonnables ou d'emprunter tout court. C'est ce qui est inquiétant parce que des taux d'intérêt supérieurs au taux de croissance de l'économie entrainent une augmentation de la dette et que plus cet écart est grand, plus l'augmentation de la dette est grande.

Vivons-nous au-dessus de nos moyens ?

On ne peut pas être contre le déficit zéro. Le problème n'est pas là : c'est la manière d'y parvenir en coupant dans les programmes sociaux qui ne convient pas, pire encore alors que c'est fait sous le fallacieux prétexte que ce sont ces programmes qui seraient la cause des déficits et par le fait même de l'augmentation de la dette.

Dans le tableau suivant, on peut observer l'évolution des dépenses en pourcentage du PIB au Québec depuis 1972. La moyenne se situe autour 21 % du PIB. Il y a effectivement des années où l'on retrouve des pourcentages plus élevés, mais ce sont des années qui correspondent à des périodes de crises financières dont celles de 1982, de 1990 et la plus récente de 2008. Toute période où l'économie se contracte en est une où le PIB est en baisse. Le poids des dépenses est ainsi plus élevé par rapport à un PIB en baisse, sans que les dépenses augmentent réellement.

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Source : Ministère des finances, Budget 2014-2015- Plan budgétaire

Dans le tableau ci-dessous, on peut observer, comme il a été dit, que le Québec dépense plus par habitant que l'Ontario et que le Canada (1).

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Par contre, l'augmentation des dépenses au Québec est principalement due à l'augmentation des services offerts aux citoyens, comme le démontre le tableau (2) ci-dessous, et non à une simple augmentation des coûts. De 1989 à 2009, l'augmentation des dépenses structurelles du Québec, c'est-à-dire les augmentations de coût sans modification de services, a été de 19,5 %, tandis que l'augmentation discrétionnaire, qui elle correspond a un ajout de services, a été de 80,5 %.

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Mais à quoi peut-on attribuer cette augmentation discrétionnaire des dépenses ? On peut voir dans le tableau ci-dessous (3), qu'au cours des années 1989-2009, cela s'explique principalement par un accroissement dans les services sociaux, notamment les places subventionnées en garderie, les services sociaux liés aux familles et à l'hébergement des personnes âgées et des personnes souffrant de limitations physiques ou psychologiques.

Nous avons donc fait le choix, en tant que société, de nous offrir un plus grand panier de services. Cela a aussi un impact positif sur l'économie, parce que les investissements du Gouvernement dans les programmes sociaux ont aussi pour effet d'augmenter le PIB.

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Mais alors, d'où vient cette dette ?

Chaque année, l'augmentation nominale de la dette nette du Gouvernement du Québec est due à des investissements en immobilisations et le cas échéant, au déficit annuel. C'est pourquoi il est préférable, et on ne peut être contre la vertu, de ne pas faire de déficit. Par contre, même s'il n'y a pas de déficit, la dette augmente chaque année parce qu'il y a des investissements en immobilisations.

Il est toutefois crucial de rappeler qu'il n'y a pas qu'en sabrant dans les programmes sociaux qu'on peut atteindre l'équilibre budgétaire. C'est un choix politique. On peut aussi faire d'autres choix, comme celui d'augmenter les revenus.

Or depuis plusieurs années, les différents gouvernements au pouvoir ont fait le choix contraire et ont choisi de baisser les impôts, ce qui a contribué à diminuer les revenus du Gouvernement. En 2001, par exemple, il y a eu une baisse d'impôt de 4,5 milliards $ par année et pour toutes les années à venir. Par la suite, les libéraux ont voté une nouvelle baisse d'impôts de 2 milliards $ en puisant dans les paiements de transfert d'Ottawa. De plus, depuis la mise sur pied du Fonds des générations en 2006, certains des revenus du Gouvernement, comme les redevances hydrauliques, sont transférées directement au Fonds des générations et diminuent donc par le fait même les revenus du gouvernement, ce qui occasionne là aussi des déficits.

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Source : Ministère des finances, Comptes publics 2013-2014, V.1, p.90

Par ailleurs, la variation de la dette publique en proportion du PIB varie parce qu'il y a augmentation de la dette, mais aussi en raison de la variation du PIB, et c'est pourquoi, si l'on observe le graphique (4) suivant, on note que lorsqu'il y a crise financière (1982, 1990 et 2008) et que le PIB se contracte, on peut observer une forte augmentation de la dette en pourcentage du PIB. De plus, le Gouvernement par ses choix politiques peut avoir un impact direct sur le PIB.

Par exemple, dans le IMF Fiscal Monitor d'octobre 2012, le FMI reconnait que les mesures d'austérité ont eu un impact négatif majeur sur les pays qui les ont appliquées. Mieux encore, il admet en avoir lui-même sous-estimé les impacts négatifs. Les résultats présentés dans ce rapport du FMI montrent que les mesures d'austérité prises par un pays en % de son PIB génèrent une décroissance plus ou moins équivalente en % du PIB.

Une réduction du PIB augmente donc d'autant le poids de la dette par rapport au PIB. Par contre, une croissance du PIB, quant à elle, réduit d'autant le poids de la dette. C'est pourquoi des années de fortes croissances comme celles des années 70 ont connu un poids de la dette dans le PIB plus faible.

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Finalement, il ne faut pas négliger non plus la variation des taux d'intérêt, qui ont un impact direct sur le niveau d'endettement et aussi sur le coût de la dette. Le graphique suivant (5) présente le coût du service de la dette depuis 1971 jusqu'en 2014 exprimé en pourcentage du budget du Gouvernement. On note qu'il est passé d'environ 4 % en 1971 à 11 % en 2014. Le service de la dette a connu des pointes au cours des années où les taux d'intérêt étaient plus élevés.

Le graphique suivant présente les taux d'intérêt de 1994 à 2014 (6). Il est important de noter que la hausse des taux d'intérêt s'applique à la tranche de la dette que l'on renouvelle, soit les nouveaux emprunts. C'est pourquoi l'impact d'une hausse ou d'une baisse des taux d'intérêt peut se répercuter sur plusieurs années.

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Est-ce que la dette, c'est le mal ?

Il est bien évident que nous ne voulons pas banaliser la dette du Québec, ni l'importance de ne pas faire de déficit. Par contre, la dette du Québec est très bien gérée, et lorsqu'on analyse objectivement les comptes publics du Gouvernement, on peut constater qu'elle fait l'objet d'une saine gestion. Les différents risques liés à la dette, tels les taux de change, les variations de taux d'intérêts, les risques de manque de liquidité, tous ces risques sont pris en compte et gérés à l'aide des différents instruments financiers disponibles.

Actuellement, il est raisonnable de penser que nous utilisons « l'épouvantail dette » pour justifier une idéologie qui veut sabrer dans les programmes sociaux, dans les soins de santé en particulier, pour les rendre de moins en moins efficaces et ainsi préparer le terrain pour une éventuelle privatisation de ces mêmes services, qui profiteront à quelques-uns, mais dont la majorité feront les frais.

Finalement, comme le disait Thomas Piketty (7) s'il est une dette qui devrait bien plus nous préoccuper, nous inquiéter, nous faire peur, c'est la dégradation du capital naturel. Si on était un peu sérieux, c'est cette dette-là que nous ne voudrions pas laisser aux générations futures.

Au moment de terminer cet article, je suis retournée voir le compteur de l'IEDM, en date du 14 juin, 14h19. Il est à 68 304,54 $ par contribuable. Avez-vous un peu moins peur ? Je l'espère...

Notes

1 : Jonathan Deslauriers et Robert Gagné, Dépenses publiques au Québec : Comparaisons et tendances, Centre sur la productivité et la prospérité, HEC Montréal, avril 2013, p.27.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Ibid, p. 30.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

3 : Ibid, p. 31.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

4 : Jonathan Deslauriers, Robert Gagné et Jonathan Paré, L'heure juste sur la dette du Gouvernement du Québec Centre de la productivité et de la prospérité, HEC Montréal, mars 2015, p. 26.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

5 : Ibid, p. 23.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

6 : Ibid, p. 24.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

7 : Hervé Kempf, La dette publique est une blague ! La vraie dette est celle du capital naturel. Entretien avec Thomas Pikettywww.reporterre.net, 2 juin 2015.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

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Le Forum social de Tunis : la nécessaire convergence des luttes

par Wedad Antonius DroppedImage

À quelques jours de l'ouverture de cette 13ième édition du Forum social mondial tenue à Tunis du 24 au 28 mars 2015, la nouvelle d'un attentat terroriste au musée de Bardo, en plein centre de Tunis, vient rappeler brutalement et tristement tant aux organisateurs qu'aux participants qu'un nouvel enjeu doit être adressé. Le terrorisme, effet boomerang du désordre mondial dans lequel nous vivons, mérite d'être analysé, compris et contré.

Après une légère hésitation de quelques heures, les organisateurs confirment la tenue du Forum et la grande majorité des participants se sont, malgré tout, rendus en Tunisie. Les Tunisiens, ébranlés par ce qui venait de se passer chez eux, ont considéré notre présence comme un geste de solidarité avec le peuple tunisien. Le circuit de la marche d'ouverture a été modifié pour se terminer au musée de Bardo et le mot d'ordre de la marche a été : « Les peuples unis, pour les libertés, la justice sociale, la paix, et pour la solidarité avec les victimes du terrorisme et de toutes les formes d'oppression ».

Malgré ce début déroutant, qui a plané tout au long du forum par une sécurité accrue, malgré le froid, la pluie, le vent qui emportait les affiches et qui déstabilisait de nombreux kiosques, malgré les ateliers déplacés ou annulés et les difficultés de traduction, le moral était au rendez-vous et le forum a été un franc succès. D'après le bilan de Gus Massiah du Centre de recherche et d'information pour le développement (CRID) :

« Y ont participé 4398 organisations de 119 pays qui ont proposé 1079 activités (...). Le nombre total de participants inscrits a été de 48600 personnes (sans compter 1300 journalistes et 1000 personnes engagées dans l'organisation) » (1).

Comme toujours, le forum a été une précieuse occasion de rencontre pour les réseaux, les groupes et les individus préoccupés par la justice, la paix et l'action pour un monde meilleur. Un programme étourdissant nous proposait des centaines d'ateliers chaque jour, les uns plus intéressants que les autres sur des enjeux importants qui ont été regroupés en six « espaces » :

  • La citoyenneté (mobilisation citoyenne, transition démocratique, alternatives d'organisation politique, avenir des Forums...).
  • La place de l'économie et les alternatives (l'austérité, le libre-échange, la justice fiscale, l'économie sociale...).
  • L'égalité, la dignité et les droits (droit des femmes, des enfants, des minorités, des travailleurs, des peuples autochtones...).
  • La planète (environnement, écologie, changement climatique, ressources naturelles...).
  • L'outre frontière (conflits et guerres, liberté de circulation, migrations, terrorisme, discrimination...).
  • La justice sociale (droits économiques, sociaux et culturels, protection sociale, santé, éducation, travail, syndicats, mouvements sociaux...).
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Tous ces thèmes étaient analysés parfois d'un point de vue général et théorique, d'autres fois dans un contexte particulier avec échanges d'expérience, comparaisons de situations, occasions de réseautage...

La participation d'ATTAC a été remarquable : des dizaines d'ateliers et un kiosque permanent pour diffuser des documents et échanger avec les participants. Aux ateliers, les enjeux importants étaient discutés et la ressemblance des situations d'un pays à l'autre sautait aux yeux. Les mêmes techniques mensongères pour imposer l'austérité avec plus ou moins de rigueur selon les pays, les mêmes dogmes néolibéraux pour le transfert du pouvoir vers le capital à travers les traités de libre échange, la privatisation des services publics ou la tiédeur dans le traitement des problèmes environnementaux, les mêmes prétextes fallacieux pour ne pas lutter contre les paradis fiscaux et décréter des lois fiscales qui permettent aux grandes compagnies, aux institutions financières et à la classe favorisée, de payer un impôt minime...

Toutefois, la mise en commun des actions qui se déroulent un peu partout apportaient un vent de fraîcheur et d'espoir. Partout où c'est encore possible, la société civile réagit au prix parfois d'une répression démesurée, même dans les pays dits démocratiques. Une action, pour le moins originale, a attiré mon attention. Le 7 mars dernier, des membres d'ATTAC-France réquisitionnent cinq chaises à l'agence BNP Paribas Voltaire, pour le non-paiement d'impôt et exigent la fermeture de sept filiales de la banque aux îles Caïmans. Un responsable de cette action est convoqué à la police. On peut lire dans le compte rendu d'ATTAC-France : « Au lieu de poursuivre les banques pour leur implication dans l'industrie de l'évasion fiscale qui coûte officiellement chaque année de 60 à 80 milliards d'euros à l'État français, la police poursuit ceux qui ont jugé nécessaire d'agir pour dénoncer une situation insupportable » (2).

Malgré quelques difficultés de traduction, on finissait, la plupart du temps à se comprendre... En tout cas, suffisamment pour être convaincus hors de tout doute, que l'interdépendance dans laquelle nous vivons, ne nous laisse plus le choix. C'est uniquement dans la solidarité et dans la convergence des luttes que nous pourrons bâtir cet autre monde possible dont nous rêvons, cet autre monde nécessaire à défaut duquel nous nous engouffrons dans une autodestruction planétaire.

C'était d'ailleurs le but des assemblées de convergence qui ont eu lieu à la fin du forum sur les principaux thèmes du Forum. À titre d'exemple, l'assemblée de convergence des mouvements sociaux a donné son appui à plusieurs activités :

  • La journée d'action internationale contre les traités de libre échange prévue autour du 18 avril 2015 et à laquelle ATTAC-QUÉBEC a participé.
  • La mobilisation des mouvements sociaux en 2015 partout dans le monde pour la justice climatique, mobilisation qui se cristallisera en décembre à Paris en marge de la conférence sur le climat COP21.
  • Les actions de la 4ème marche mondiale des femmes entre mars et octobre 2015.
  • Des actions de mobilisation coordonnées au niveau mondial dans une semaine globale de luttes contre le capitalisme du 17 au 25 octobre 2015. (3)

En marge du Forum DroppedImage

En marge du forum, j'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs activités. Une rencontre avec des syndicats du Maghreb, d'Europe et du Québec organisée par la CGTT (Confédération Générale Tunisienne du Travail), nous a permis de prendre le pouls de la situation du syndicalisme dans diverses parties du monde. Partout, la démocratie semble perdre du terrain : perte graduel du droit de grève, du droit de manifester et criminalisation des actions des mouvements sociaux dans certains pays... Malgré tout, le syndicalisme semble encore assez robuste en Tunisie quoique trop relié à l'État aux yeux de certains.

Une soirée avec le groupe de femmes que nous avions rencontré en 2013 a été organisé par la CSN autour du thème « femmes et environnement ». Les discussions ont souvent bifurqué sur la situation des femmes en Tunisie et sur le chemin parcouru depuis la chute du gouvernement islamique. On y sentait une détente par rapport à 2013 mais les pertes des dernières années n'ont pas encore été annulées.

Une réunion de Globattac m'a permis de faire la connaissance des groupes ATTAC de divers pays. Les plus nombreux étant les pays d'Europe, mais des groupes d'Afrique, du Maghreb, et même du Japon étaient présents. Chacun a brièvement présenté son organisme et les enjeux sur lesquels ils concentrent leurs actions présentement. Prochaines étapes : finalisation de la plate-forme de Globattac, Mobilisation en vue de la réunion de l'ONU sur le climat en décembre à Paris (Cop21). Mise au point du site internet.

D'autres rencontres m'ont permis de comprendre la situation actuelle en Tunisie et dans le monde arabe. Les révoltes arabes qui avaient suscité tellement d'espoir, se retrouvent dans un cul de sac et une atmosphère de « tout ça pour ça ! » règne dans la majorité des discours. La Tunisie semble être le pays qui s'en sort le mieux mais la situation économique est désastreuse, le tourisme est à terre, le chômage est à son comble, le désespoir des jeunes est un terreau fertile pour les attirer dans les groupes radicaux. La moyenne d'âge est 35 ans et la Tunisie devient un pays exportateur de terrorisme. Toutefois, une certaine sagesse se dégage et les tunisiens s'entendent pour dire qu'une révolution ne se fait pas en quelques années...

La marche de fermeture du Forum a été une marche de solidarité avec le peuple palestinien.

Comme à tous les FSM, l'avenir du forum a été discuté et confirmé. Mais une sonnette d'alarme a été apportée par Mimoun Rahman au sujet des multiples défis auxquels est confrontée la survie du FSM. Un peu trop critique à mon avis, l'article pose quand même les jalons d'une discussion nécessaire (4).

C'est enrichie par toutes ces discussions passionnantes, comblée par des rencontres chaleureuses et intéressantes et avec le « boost » d'énergie qu'apporte ce genre d'évènement que je suis de retour.

Prochain rendez-vous à Montréal en août 2016.

Notes

1 : Voir le compte rendu du CRID à : www.crid.asso.fr/spip.php?article589. ** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Pour un compte rendu complet et pour les suites de cette action citoyenne, consulter :
france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/des-economistes-atterres-hebergent.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

3 : Pour un résumé des conclusions des Assemblées de convergence voir :
fsm2015.org/tags/assemblee-de-convergence?page=.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

4 : Voir l'article complet à : cadtm.org/Les-derives-du-Forum-social.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

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Coordonnatrice du bulletin :
Monique Jeanmart (moniquejeanmart@videotron.ca)

Mise en page électronique :
Anne-Marie Boisvert