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Numéro spécial - Journée d'étude 2014 :
Après-crise ou crise permanente ?

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Par Théo Flamand

Chaque crise financière nous en apprend énormément.

Entre autres, celles du début des années 1990 justifièrent des vagues de délocalisations sans précédent : la baisse structurelle des salaires ne suffisait plus à soulager la pression qu'imposaient au patronat des actionnaires déresponsabilisés.

Celle des subprimes, en 2007, nous révéla le surendettement auquel étaient soumis les travailleurs à bas salaire - devenus de fait consommateurs à crédit.

Appuyée d'un fatalisme ambiant, la dernière salve de politiques d'austérité prouva que les banques étaient prêtes à déposséder les États de leurs propres fonds, jusqu'à priver les contribuables de leurs services publics.

Et aujourd'hui, qu'en serait-il ? Sommes-nous bel et bien dans une après-crise assumée, à l'image de ces produits spéculatifs qui ne se sont jamais aussi bien portés ? Ou connaissons-nous plutôt un état de crise permanente, lorsque l'on pense à cette période d'austérité politique, où se multiplient pourtant les atteintes à nos droits citoyens et démocratiques ?

Ce fut une belle journée d'étude qu'Attac-Québec organisa ce samedi 22 février, dans les murs de l'UQAM. Voici, en substance, ce qui s'y dit.

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« Décoloniser l'imaginaire » : Eve-Lyne Couturier et l'État néolibéral

Compte rendu de Théo Flamand

Le thème des inégalités de revenus est au cœur du débat public depuis l'éclatement en 2007-2008 d'une crise financière dont l'économie mondiale peine toujours à se remettre. Alors que le phénomène de la pauvreté était au centre des préoccupations dans les années 1980 et 1990, on parle maintenant d'un retour de l'inégalité, caractérisé par la stagnation des revenus de la majorité des salariés combinés avec l'explosion des revenus des plus fortunés.

Au Québec, la restauration d'un pouvoir de classe est indéniable. Les partis de gouvernement sont clairement les véhicules politiques de l'élite économique. Le Parti libéral du Québec (PLQ), défend ouvertement le grand entreprenariat, se fait épauler pour cela par les firmes de génie-conseil et par les experts de la « vieille économie ». Le tout pour mettre définitivement l'État sous la coupe du patronat. Le Parti québécois (PQ) est largement investi par une élite technocratique, de hauts fonctionnaires proches du monde des affaires. La Coalition Avenir Québec (CAQ), quant à elle, accuse le PQ d'utiliser le souverainisme comme un leurre électoral et reprend à son compte la figure du petit entrepreneur québécois, face au fonctionnaire fainéant et privilégié. En somme, on privilégie « le gros bon sens ». Ces trois partis s'accordent néanmoins sur un point : ils assument leur conception néolibérale de l'État, celui-ci devant être de moins en moins social, laisser une plus grande liberté au marché, avec l'éternel argument que ce dernier pourra à lui seul subvenir aux besoins de tous. En réalité, cette rationalité fantasmée reste ici limitée à celle des comportements individuels. Leur somme n'en donne pas moins des situations collectivement désavantageuses.

Ainsi, on peut distinguer quatre formes d'État néolibéral : l'État facilitateur (qui renonce à sa fiscalité pour attirer des investissements étrangers), l'État distributeur (qui se sert des contrats et marchés publics pour stimuler l'activité), l'État compétitif (qui fait sienne la gestion entrepreneuriale en plaçant comme objectif central la rentabilité) et l'État sécuritaire (qui voit l'opposition populaire comme ne comprenant pas ce que doit être l'État, car forcément manipulée par de dangereux groupuscules). « L'État néolibéral n'est pas une réduction de l'État mais sa transformation. Les fonctionnaires ne sont pas moins nombreux, ils sont employés à faire d'autres choses ».

L'hégémonie de la pensée dominante est telle que l'on penserait même ne plus avoir les moyens de s'opposer, d'exprimer des avis divergents. Et pour cause, chaque remise en question est diabolisée, chaque grève ou tribune quelque peu acerbe sont vues comme « des 'prises d'otages' de ceci, de cela, de l'éducation et de la liberté d'expression ». De toute évidence, il faut « décoloniser l'imaginaire ».

Dans cette optique, la gauche québécoise devrait investir à son tour le discours néolibéral, étudier son vocabulaire pour mieux le déconstruire. C'est-à-dire faire siennes la rationalité économique, l'analyse binaire et partiale des coûts-bénéfices. Et non rester cantonnés dans une posture trop facilement stigmatisée, montrée comme idéaliste et donc non crédible, car présentant « la société qu'on aimerait avoir ». Par exemple, on pourrait présenter et prôner une hausse des dépenses dans l'éducation comme autant d'investissements dans une main-d'œuvre mieux qualifiée et donc plus compétitive à l'international.

EVE-LYNE COUTURIER EST CHERCHEUSE A L'INSTITUT DE RECHERCHE ET D'INFORMATION SOCIO-ECONOMIQUES (IRIS)

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« Cette crise a été gaspillée » : Éric Pineault et la réflexivité critique

Compte rendu de Théo Flamand

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Étymologiquement, une « crise » est l'état de suspension d'un métabolisme, qui peut ensuite le faire basculer, provoquer sa mort ou la régénérescence. Autrement dit, un état critique qui, appliqué à notre économie et nos structures sociétales, prend deux dimensions : la désorganisation matérielle (la fin des échanges, le ralentissement de l'activité), et sa représentation sociale, c'est-à-dire un phénomène de réflexivité critique (une prise de conscience collective : « c'est la crise ! »). Traditionnellement, la gauche veut voir en chaque crise l'opportunité de prendre prise sur la société et ses inerties idéologiques, de remettre en cause le système par la preuve de son échec.

Aujourd'hui, nous sommes bel et bien sortis de la crise, puisque nous sommes revenus à une normalité matérielle - certes différente de celle d'avant la crise. La crise de 2008 a été financière, elle a eu de lourdes conséquences sur l'économie dite « réelle » (chômage de masse, baisse des salaires, réduction du pouvoir d'achat...) ainsi que des répercussions environnementales. Or, seul ce dernier aspect a encore aujourd'hui une certaine résonance. Autant dire que 2008 fut « une crise gaspillée », puisqu'on n'en pas retenu les leçons : elle ne suscita pas ou peu de remise en cause significative du système de la part de ses principaux protagonistes. Pire, elle amena même des politiques d'austérité tendant à soutenir, à renforcer des mécanismes qui venaient pourtant tout juste de montrer leur non-viabilité.

Cette crise aura tout de même mis en évidence trois dynamiques sous-jacentes, dont on ne peut dorénavant plus négliger l'importance : la financiarisation, qui voit ses cycles se déconnecter définitivement de l'économie réelle, l'extractivisme (trouver de nouvelles ressources à exploiter pour ouvrir un marché) et le retour d'antagonismes de classes dans le contexte néolibéral.

  • Les nouveaux cycles de la financiarisation, sont très courts et violents, car leur moteur est la liquidité financière, extrêmement volatile. Mais ils dictent pourtant les cycles de l'économie réelle, ceux qui stimulent ou ralentissent la production et la consommation. Phénomène nouveau depuis les crises du début des années 1990, l'enrayement de ces cycles de financiarisation n'émanait pas des dynamiques du marché des biens et services, les moteurs de l'économie réelle. Notre économie s'est financiarisée de l'intérieur : la finance a réussi, en quelques décennies, à placer sous sa coupe les instances de notre économie réelle, les rendant ainsi non seulement dépendantes d'elle (créances et investissements), mais aussi et surtout reléguées au second plan, car n'étant plus les seules, dorénavant, à produire de la richesse. À l'instar des profits que continuent d'engranger les institutions financières, pendant que le chômage de masse, lui, n'a de cesse de croître.
  • Globalement, notre économie réelle est stagnante depuis les années 1970 (choc pétrolier de 1973). Et de fait, l'État est devenu une force stagnationniste parmi les autres, notamment avec les politiques d'austérité et l'usage dorénavant discrétionnaire de ses mécanismes stabilisateurs (ex : assurance-emploi). On peut parler de croissance extractive lorsque celle-ci ne connaît plus que des poussées conjoncturelles dues à des bulles d'actifs comme celle liée aux sables bitumineux au Canada.
  • Une stratégie d'accumulation par dépossession : la financiarisation a constitué une élite qui entretient une relation de créancier à endetté, et réussit ainsi à spéculer sur la capacité du consommateur à rembourser ses prêts (à taux variables), quand ça n'est pas sur sa simple solvabilité. Ainsi, cette élite financière n'aurait peut-être aucun intérêt à ce que la croissance redémarre, à l'image de ces politiques d'austérité dont l'efficacité est plus que douteuse. L'homme d'affaires Warren Buffett disait : « il y a une lutte des classes, et nous l'avons gagnée ». Une prise de conscience de cette dépossession devrait et pourrait susciter de nouveaux mouvements sociaux.
ÉRIC PINEAULT EST SOCIOECONOMISTE ET PROFESSEUR AU DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE DE L'UQAM

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« Vive la crise ! » : Ianik Marcil et l'assujettissement à la finance

Compte rendu de Théo Flamand

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Depuis les années 1990 , l'économie s'est financiarisée, ainsi que nous le prouve l'extraordinaire croissance des produits spéculatifs qui ont été multipliés, en 20 ans, par 125. Ça n'est pas pour autant le résultat d'un système autarcique, fermé et hermétique.

Trois conséquences de cette financiarisation apparaissent :

  • une certaine déconnexion de l'économie réelle, notamment grâce à des spéculations réalisées les unes sur les autres ; ainsi qu'une prolifération des motifs de spéculation (« des paris purs et simples, comme à la Bourse de Chicago, sur la météo et ses conséquences sur les récoltes »)
  • une asymétrie des réactions : quand les choses vont bon train, elles profitent à une minorité, dans le cas contraire, la majorité se porte garante... Les politiques d'austérité en sont une belle illustration
  • une indépendance totale vis-à-vis du politique (en 2008, Lehman Brothers fait faillite de façon très brutale, déclenchant une crise qu'aucun gouvernement ne pourra réellement endiguer).

Roosevelt avait réformé en profondeur la finance, en imposant une séparation nette entre les banques de dépôt et les banques d'investissement, ce qui fut ensuite annulé par Clinton en 1999 (dans un processus commencé 20 ans plus tôt). Depuis, seuls des ajustements cosmétiques ont été réalisés, tel que les accords de Bâle, dont le dernier, Bâle III, n'avait pas d'autre objectif que de rassurer les marchés, en soumettant un peu plus les banques aux spéculateurs. La puissance institutionnelle et le pouvoir politique sont clairement, de nos jours, dominés par les institutions financières, dont l'immense majorité ne se sont pas écroulées en 2008. « Autrement dit, vive la crise ! ».

« La crise financière de 2008 aura permis de mettre en lumière la formidable puissance du secteur financier dans les économies occidentales. Cette sphère financière qui pouvait sembler totalement décrochée du réel (...) a montré à quel point elle était en mesure de dévaster l'économie réelle.

Après la débâcle des Lehman Brothers de ce monde, les espoirs étaient grands de voir dans l'après-crise une ère de mise au pas des géants de la finance. Hélas, non seulement nous ne sommes pas véritablement sortis de la crise (structurelle), mais la sphère financière n'a mis que quelques années à retrouver sa toute puissance ».

(Ianik Marcil, « L'assujettissement à la finance », dans la revue À bâbord, n°53, février-mars 2014).

IANIK MARCIL EST ÉCONOMISTE INDÉPENDANT

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Crise de l'économique. Compte-rendu de l'Atelier 1

Animatrice : Dominique Bernier
Secrétaire : Jacques Bouchard

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Cet atelier a porté sur les pistes d'action possibles d'Attac-Québec concernant surtout :

  • la taxe sur les transactions financières
  • les accords de libre-échange
  • les paradis fiscaux

Les personnes participantes ont été invitées à se prononcer sur les axes d'action proposés et à en identifier d'autres.

  • Taxe sur les transactions financières :

Oui à la taxe. On souhaite des propositions concrètes sur le taux, sur la gestion des revenus engendrés par celle-ci (remise à l'ONU ?). On indique que le manque de clarté, peut empêcher de populariser cette taxe. L'introduction d'une taxe peut aussi avoir pour effet pervers de légitimer les transactions financières.

Des personnes s'interrogent sur la faisabilité d'une telle taxe. Des réponses sont apportées tant sur la faisabilité de cette taxe que sur son éventuelle mise en place en Europe.

  • Il a aussi été question des gains de productivité :

Des participants se demandaient à qui profitent les gains de productivité. On soulève que derrière le discours sur la croissance se cachent les « Mcjobs ». C'est un aspect qui mériterait d'être développé.

D'autres participants ont soulevé que les instruments économiques doivent relever des États afin qu'ils puissent s'assurer un contrôle de l'économie, et revoir la fiscalité. Ce qui manque, c'est une efficace réglementation de la haute finance. Une personne fait le constat que la régulation des marchés financiers, la lutte contre les paradis fiscaux et pour la taxe sur les transactions financières, c'est une seule et même lutte.

À propos de l'économie sociale, des participants font valoir que bien que les coopératives, les marchés locaux sont des solutions intéressantes et nécessaires, on s'en sert trop souvent pour justifier la « privatisation » des services publics qui se traduit par de faibles salaires. Le modèle coopératif peut apporter des solutions. Il faudrait enlever les obstacles pour la formation de coopératives.

  • Accords de libre-échange :

Il y a eu discussion sur les différents accords, les négociations qui se font en secret et le manque de transparence. On maintient les gens dans l'ignorance, on fait croire que ces accords sont nécessaires et peu de personnes s'y intéressent tellement ils demeurent compliqués à comprendre, ce qui rend difficile la lutte contre eux. Sur ce point, on conclut qu'un des angles de contestation pourrait être celui de l'exigence d'inclure dans ces accords une protection des droits de la personne et des droits environnementaux.

On a aussi parlé brièvement de la monnaie :

Il y avait un important questionnement et un manque d'information sur les solutions possibles. Cependant, on comprend que la souveraineté des États passe par la souveraineté de la monnaie, d'où un nécessaire contrôle politique des banques centrales.

Comment changer le rapport de force

La deuxième partie de l'atelier a été réservée à des discussions sur des propositions d'action qui devraient être mises de l'avant.

Au départ, une personne a mentionné que bien que les problèmes sont énormes et que l'on a l'impression que l'on n'avance pas, il faut se rappeler que le féminisme ou encore la question de l'égalité offrent des exemples de luttes qui ont avancé. Aussi, la lutte contre les paradis fiscaux a pris beaucoup d'ampleur depuis quelques années.

Des suggestions :

  • Campagne « d'alphabétisation des élus par des citoyens »;
  • Contamination des idées en investissant les médias;
  • Faire de l'éducation et être visible;
  • Exiger la priorisation des entreprises locales dans les accords commerciaux;
  • Travailler sur la spéculation sur les monnaies;
  • Agir localement, créer des groupes de travail;
  • Développer une chaîne Web pour faire de l'éducation politique et économique à la manière de René Lévesque: en utilisant des graphiques, du visuel, etc.;
  • Mener des campagnes de communication et un plan de communication en priorisant ce qui et le plus près de nous (stratégie de communication par les membres vers les députés, lettres aux lecteurs;
  • Répondre rapidement, s'introduire dans les « fissures » de l'actualité;
  • Recréer un discours de gauche, proposer des choses concrètes à la population, aller chercher le « peuple »;
  • Coordonner les actions entre les groupes; se joindre aux coalitions existantes;
  • Promouvoir la démocratie directe;
  • Rejoindre les personnes une à la fois, chaque jour, par le biais de l'actualité pour promouvoir la justice sociale, les causes écologiques et puis se servir des réseaux sociaux.

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Crise du politique. Compte-rendu de l'Atelier 2

Animateur : Francis Legacé
Secrétaire : Marie-Sophie Villeneuve

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Cherchant des solutions aux aspects politiques de la crise, cet atelier a abordé et proposé les pistes suivantes.

  • À travers les bibliothèques publiques, notamment avec des événements d'éducation populaire
    • Les activités comme ce qu'a fait Attac dans les cafés/bars, l'Upop, etc.

    • Cours d'économie à échelle humaine dans les écoles secondaires

    • Brigades d'information citoyenne (BIC) et autres actions qui peuvent être menées à l'échelle individuelle et dans nos milieux, incluant d'investir nos milieux de travail avec la fonction éducation et sensibilisation.

  • Continuer de travailler avec le mouvement syndical et travailler en réseaux, collectifs et alliances; développer des centres de ralliement
  • Continuer de promouvoir l'implication citoyenne dans les multiples lieux d'engagement existants.
  • Investir les assemblées populaires autonomes et autres collectifs citoyens; repenser la façon dont nous valorisons la participation citoyenne - avec les budgets participatifs entre autres.
  • Travailler à une plus grande diversification et intégration de nos luttes : communautés culturelles, personnes âgées, etc.
  • Investir le Forum social des peuples
  • Adapter nos discours, les rendre plus accessibles; continuer de faire des liens entre les problèmes spécifiques sur lesquels nous travaillons et le capitalisme, partout et à chaque fois que cela est possible; investir les médias « mainstream ».
  • Explorer et discuter de l'option de la grève générale illimitée.
  • Réfléchir sur comment faire pour investir le pouvoir municipal avec des forces progressistes.
  • Bien choisir nos terrains de lutte en fonction d'objectifs stratégiques - les luttes qui peuvent nous mener le plus loin. Pistes : énergie et paradis fiscaux.
  • Trouver des façons de rassembler les « non-votants désillusionnés ».
  • Aller vers l'autre, échanger et aussi le faire dans le plaisir, en prenant une bière, etc.

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Crise du culturel et de l'idéologique. Compte-rendu de l'Atelier 3

Animateur : Roger Lanoue
Secrétaire : Théo Flamand

« Décoloniser la pensée » : c'est à partir de cette formule tirée de l'exposé d'Eve-Lyne Couturier que ce troisième atelier, axé sur la crise du culturel et de l'idéologique, a tenté d'esquisser des prolongements. Après la lecture du socle de propositions de l'animateur, quelques grands thèmes ont été dégagés.

  • Lieux communs fatalistes :

En premier lieu, on pense à ces lieux communs fatalistes, qui s'appuient sur une fausse rationalité pour nous faire culpabiliser, en nous soumettant à une économie « mondialisée » et donc incontrôlable. Ce sont de petites oppressions idéologiques - principalement par le langage - que le néolibéralisme nous fait subir quotidiennement. Armés d'un appareil médiatique presque omniprésent, les défenseurs invisibles de la dérégulation à outrance ont durablement investi et orienté à leur aise, ces dernières années, l'imaginaire populaire. Le tout afin d'asseoir une pensée dominante, une idéologie omnipotente, qui voudrait nous faire croire à la mort des (autres) idéologies, et par là, à celle du débat.Luttes passées et pistes de concrétisation Observer, comprendre et tirer des enseignements des luttes passées et en cours, tels que les mouvements féministes des années 1970 ou le printemps étudiant de 2012, et la façon dont ils réussirent à renverser les sophismes idéologiques d'alors : voilà qui devrait nous aider à mieux relativiser notre impuissance dans cette bataille de mots. Et à imaginer, aussi, ce que pourrait être le mouvement de demain, les structures et moyens qui le serviraient au mieux, en s'inspirant, en les refondant, des standards des milieux revendicatifs, alternatifs et coopératifs (collectifs plus ou moins informels, coalitions syndicales, groupes de pression), ou des contenus ciblés des instituts indépendants (l'IRIS, IRÉC...) et de la presse alternative ( À bâbord, Journal Ensemble...). Comme l'a énoncé aussi l'animateur, il s'agit, à gauche, de trouver les dénominateurs communs qui définissent une souffrance dont l'immense majorité d'entre nous (« nous sommes les 99% ») voudrait sortir, et de rappeler ce qu'est le bien commun et comment l'ordre néolibéral le dessert. Pour cela, on pourrait démontrer rigoureusement comment le discours de droite s'oppose à toute redistribution, faire des audits des dettes publiques par exemple (pour dénoncer l'immoralité des prêteurs) ou traiter du calcul du manque à gagner (en raison de la fraude et de l'évasion fiscales) que ne réclame pas l'État.

  • Démocratie et procédés de représentations :

En filigrane, la question de la démocratie prend une place centrale dans l'atelier, et derrière elle, celles de notre système de valeurs et de ses modes de représentation. Les intérêts d'une majorité d'entre nous sont-ils vraiment défendus par ceux qui nous gouvernent ? Est alors mise en cause la nécessité de vérifier la façon dont sont formulés et défendus ces intérêts. Il faudrait, au besoin, revoir la substance même de nos Constitutions, qui devraient, au-delà de garantir les libertés individuelles, laisser une place centrale à nos intérêts collectifs (c'est-à-dire ceux propices à la vie en société). Un participant réfléchit à voix haute : la démocratie, à la fois moyen et finalité, procédé décisionnel et idéal de société, n'explique-t-elle pas en partie, par son actuelle mise à l'écart du débat, nos difficultés mêmes à remettre en cause cette vision unique de notre société ? Le principe même du vote démocratique ayant perdu de sa crédibilité, de sa force symbolique et de sa garantie d'intégrité, pourrait être remis en question, notamment au vu d'autres procédés tout aussi égalitaires, tel que le tirage au sort.

  • Éducation, alphabétisation et mobilisation :

Vient ensuite, de façon naturelle, la question de l'éducation - pas seulement populaire - comme mode premier de légitimation, de qualification de la parole citoyenne, face à celle qui souhaiterait museler le débat, en arguant d'être seule experte (économique, politique, juridique...). Il apparaît alors primordial de s'affranchir de cet intellectualisme faussement paternaliste, mais réellement condescendant. L'amalgame récurrent entre analphabétisme et dépolitisation suscite, aussi, plusieurs échanges : on ne peut voir dans l'analphabétisme un obstacle systématique à l'éveil de nos consciences politiques. L'instruction n'est pas une condition sine qua non de l'accès aux débats démocratiques, de même qu'elle n'est pas souvent synonyme de desseins altruistes. L'utilité et la pertinence des procédés d'éducation populaire, entre autres, comme outils de politisation et non d'instruction, sont réaffirmées par plusieurs membres de l'atelier.

  • Motifs et capacités de mobilisation :

Enfin, la question des possibilités et motivations de chacun à se mobiliser s'impose, alors que les « classes moyennes » sont plus que jamais, en ces années de crise, la cible des discours politiques. Mais les difficultés à bien définir ces classes moyennes sont tout aussi grandes que celles d'identifier les raisons de leur dépolitisation : aujourd'hui, la mobilisation semble moins liée à un besoin, comme ce qui poussait autrefois les classes ouvrières à se battre pour des avancées sociales, Il faudrait plutôt envisager une mobilisation de conviction, basée sur des affinités idéologiques, un intérêt pour les questions politiques et des partis pris clairement affirmés dans le débat démocratique. C'est pour permettre et susciter cette seconde forme de politisation (qui peut tous nous concerner, pas seulement ceux se revendiquant des « classes moyennes ») que les mouvements d'éducation populaire trouvent, d'après une participante, leur raison d'être.

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