Attac

Pour sortir du « dérèglement du monde »
Produire, consommer, vivre autrement

Alors que « l'indignation » face aux injustices du monde actuel se répand, le bulletin a voulu donner la parole à ceux qui, ici et ailleurs (Belgique et Argentine), travaillent depuis des décennies à construire une autre économie. À ceux pour qui notre slogan « Un autre Monde est possible » est déjà réalité.

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Des initiatives citoyennes pour dépasser l'indignation

Par Monique Jeanmart

Alors que la crise économique et financière s'éternise et s'enlise - qu'elle succède à d'autres crises - et que l'on s'interroge sur les moyens à prendre pour les juguler et relancer l'économie, de plus en plus de voix s'élèvent pour un changement de cap civilisationnel : « pour sauver la planète il faut redonner ses droits à la justice sociale, à l'égalité et à la solidarité » (Claude Béland).

Pour Amin Malouf (1), nous sommes entrés dans un monde de dérèglements majeurs qui appelle à une réorientation radicale de notre modèle économique et de nos modes de vie. L'urgence d'agir n'est pas seulement d'éteindre l'incendie de la crise financière et économique, mais de faire face aux multiples dérèglements du monde. Il ne s'agit pas seulement de mettre en place un moyen de faire de la politique autrement, un nouveau système économique, un nouveau modèle de relations au monde et à notre environnement, mais de généraliser une nouvelle conception du monde - et de la personne - qui reposerait sur d'autres valeurs. Nous ne partons pas de zéro, un peu partout sur la planète, des hommes et des femmes - des groupes - réalisent des activités bâties sur la solidarité et ont contribué à créer des liens sociaux qui sont le fondement de toute communauté humaine.

Nous avons voulu donner la parole à ces initiatives citoyennes, qui après des décennies ont montré leur efficacité et leur viabilité. Que ce soit en Belgique, en Argentine ou au Québec, au cœur de ces initiatives se trouvent toujours la valorisation de la personne et du travail humain, un mode de gestion participatif, un modèle axé sur la qualité de vie au travail et dans la vie personnelle, mais surtout des exigences éthiques et sociales. Ces initiatives ne s'imposent pas comme la solution, ni comme une nouvelle pensée unique, pas plus qu'elles ne se présentent comme une voie royale ou romantique qui ouvrirait sur une nouvelle vie, mais elles ouvrent des pistes, elles sont des outils pour construire une économie au service du Bien commun. Elles permettent, comme le dit Edgar Morin, « d'agir pour refouler progressivement l'aire économique déterminée par le seul profit ». Elles montrent qu'il n'y a pas de sortie de crise sans solidarité et coopération.

Mais surtout ce que ces initiatives montrent, c'est qu'elles n'ont été possibles que par un profond changement de mentalité. La crise financière actuelle, si elle origine dans la cupidité de financiers avides et sans scrupule, est aussi le résultat d'un aveuglement collectif : Le « chacun-pour-soi » de l'individualisme forcené qui nous gouverne nous a fait accepter sans questionnement, les promesses d'une économie qui nous cache l'utilisation qu'elle fait de notre argent. La carotte du « toujours plus » nous occulte que ce monde dont nous décrions les principes et les résultats, a envahi nos esprits et nos mentalités, et que nous sommes tous inconsciemment ses complices.

La conclusion s'impose il faut aussi - et d'abord - transformer notre manière de penser et d'agir. Il faut remplacer l'individualisme qui nous gouverne depuis quelques décennies (et que nous répandons partout sur la planète) par des valeurs humanistes d'égalité et de solidarité. Sortir du dérèglement du monde est à ce prix !

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Notes

1 : Amin Malouf, Le dérèglement du monde, Éd. Grasset, 2009.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

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Une autre économie est possible
La preuve par 27

Par Bernard Horenbeek

Construire une nouvelle économie peut être tenté par l'élaboration de nouvelles théories macro-économiques. Mais, depuis la chute du mur de Berlin, la tendance a été à la pensée unique d'un marché mondialisé et tout puissant qui, aujourd'hui, nous montre dramatiquement ses limites. La résistance à cette pensée unique a bien sûr existé, mais elle a été trop longtemps marginalisée.

Aujourd'hui, de nouvelles approches économiques s'ébauchent, basées sur la décroissance ou sur de nouvelles formes de croissance. Nombreux sont les chercheurs qui tentent aujourd'hui d'allier l'économie à son environnement et à une approche humaniste. Mais ces théories ont la particularité de s'appuyer sur des expériences concrètes d'individus ou de groupes d'individus qui ont voulu construire le monde et/ou l'entreprise autrement.

Crédal, en Belgique francophone, est un exemple de ces forces citoyennes qui se sont développées durant ces dernières décennies. Il en existe des centaines d'autres à travers le monde. Le temps est venu de les collecter et de s'en inspirer pour construire l'économie de demain.

Une indignation citoyenne : déposer son argent en banque, c'est confier un pouvoir aux banquiers sans leur donner de mandat et sans disposer en retour d'information sur l'utilisation qui est faite de ce pouvoir.

1984, les mouvements antiapartheid en Belgique sont secoués par une information troublante : les banques belges investissent en Afrique du Sud et par là, soutiennent, au moins indirectement, le régime d'apartheid. Et cela, avec l'épargne des citoyens belges... Très vite se constitue un réseau Banque-Apartheid qui va investiguer et interroger les banques sur l'utilisation qu'elles font de l'argent des épargnants. Ce réseau est constitué de citoyens, mais aussi d'associations, de syndicats, d'universités, etc. Ils prennent alors conscience que déposer son épargne en banque, c'est leur accorder un pouvoir sans leur donner aucun mandat quant à l'utilisation de ce pouvoir et sans disposer d'aucune information en retour sur ce qui en est fait. Les réponses des banques sont sibyllines...

C'est alors que ce réseau fait preuve d'une audace incroyable. Ils décident de créer une coopérative et d'y mettre toute ou une partie de l'épargne qu'ils retirent des banques. C'est la création de Crédal.

Que faire avec l'argent ?

Mais être banquier est un métier à part entière et vouloir remplacer le banquier implique pour Crédal de redéfinir tout un modèle économique en partant sur de nouvelles bases. La première question qui se pose aux fondateurs est de savoir ce qu'ils veulent faire de l'argent et du pouvoir qui y est associé. L'option choisie est de faire du crédit. Mais pas n'importe quel crédit, un crédit qui soutienne des projets dont un des objectifs est d'améliorer la société en Belgique francophone (Bruxelles et la Région wallonne (1), et à faire du crédit là où les banques traditionnelles sont absentes ou peu efficaces. Pour réaliser cet objectif, Crédal choisit de soutenir le mouvement associatif, de plus en plus foisonnant à l'époque, et l'émergence et le développement de ce qu'on appellera plus tard, l'économie sociale. Plus tard, dans les années 90, parviendront en Belgique les échos de ce que Muhammed Yunus réalise au Bangladesh avec la Grameen Bank et Crédal se lancera également dans le microcrédit professionnel en Belgique. En 2003, Crédal inventera encore le microcrédit personnel, un crédit aux exclus bancaires qui vise à la fois à lutter contre le surendettement et à proposer à des personnes en difficulté la possibilité d'acquérir des biens de première nécessité pour sortir du cercle vicieux de la pauvreté ou pour vivre avec un minimum de dignité humaine.

Une autre forme de gouvernance

Si Crédal a choisi de soutenir le développement de l'économie sociale, il a choisi aussi d'adopter un mode de gestion en cohérence avec ses principes et d'être lui-même un lieu d'expérimentation d'un mode de gestion où l'accent est mis sur l'homme et non sur l'argent. Ainsi, le principe « un homme, une voix » est adopté. Il permet au coopérateur qui dispose d'une part de 100 € d'avoir le même pouvoir que celui qui dispose d'un million d'euros dans la coopérative. Un principe qui est loin d'être anodin pour un outil financier.

A cela s'ajoutent des règles de fonctionnement interne basées sur une gestion participative dans laquelle les compétences du personnel sont valorisées et où l'équipe participe des choix organisationnels et politiques de la coopérative. Une large place est laissée au volontariat (plus de 30 salariés et 75 volontaires actuellement) qui ne se pose pas en concurrence des salariés, mais, au contraire, permet d'améliorer un service et une action sociale qui ne pourrait pas se développer autrement. Ainsi, par exemple, les entrepreneurs qui bénéficient d'un microcrédit peuvent être accompagnés par des personnes de grande qualité durant deux ans après la création de leur activité professionnelle.

La politique salariale est, elle aussi, très éloignée de celle des banques, pas de bonus ni de primes mirobolantes à la productivité. La tension salariale entre le plus haut et le plus bas salaire est inférieure à un pour deux. En revanche, l'accent est mis sur la qualité de la vie au travail et dans l'articulation entre vies privée et professionnelle.

Une exigence économique, mais aussi éthique et sociale

Le crédit est accordé à des projets qui se doivent d'être étudiés de près et économiquement fiables. L'argent qui nous est confié doit pouvoir être réutilisé ou restitué au coopérateur qui le souhaite. Mais à côté de cette exigence économique, Crédal ajoute des exigences éthiques et sociales. Des secteurs d'activités sont exclus tels que l'armement, les jeux de hasard ou tout ce qui peut toucher à la traite des êtres humains. L'instruction des dossiers comprend également une analyse sociale. On veille ainsi à soutenir des projets créateurs d'emplois et d'emplois de qualité où les conditions de travail sont prises en compte, des projets respectueux de l'environnement et/ou des projets qui permettent à des personnes de sortir de la pauvreté ou de l'exclusion. Les comités de crédit qui sont chargés de prendre la décision d'accorder ou non un crédit sont composés pour moitié d'experts financiers et pour moitié d'experts sociaux.

Les coopérateurs placent leur épargne sous forme de parts de la coopérative. Crédal est agréé comme une coopérative à finalité sociale et, à ce titre, ne peut donc pas accorder de dividende supérieur à 6%. En pratique, Crédal leur garantit que les dividendes ne seront pas mirobolants, en général ils essayent de suivre le coût de la vie et se situent entre 1,5 et 2,5 %. Mais au dividende financier réduit, Crédal s'engage à un dividende social produit par l'argent des épargnants au profit du bien collectif. En échange les crédits sont accordés à des taux bas, généralement largement en dessous du marché belge, entre 4,5 et 6%.

Une alliance mesurée avec les pouvoirs publics

Réaliser des objectifs sociaux nécessite parfois une alliance avec les pouvoirs publics. Ainsi le microcrédit en Europe occidentale ne peut pas se réaliser sans une aide publique, au risque sinon de devoir abandonner les taux bas et l'accompagnement social qui sont inclus dans l'approche éthique que défend Crédal (2).

La collaboration avec les pouvoirs publics a aussi favorisé l'éclosion de produits sociaux tels que le microcrédit personnel. En effet, celui-ci permet de lutter contre le surendettement en veillant à établir, avec les clients, le budget du ménage et de mettre ainsi en évidence leur capacité de remboursement au regard du remboursement du crédit. Le travail est long pour d'aussi petits crédits à taux réduits (5%) mais permet d'éviter des achats impulsifs et de s'engager dans des choix raisonnés. L'apport des pouvoirs publics sous forme de subventions permet de faire exister le travail social qui accompagne le crédit.

Les pouvoirs publics sont loin d'être perdant dans cette démarche. Une analyse du microcrédit professionnel à Crédal a déterminé que chaque fois que les pouvoirs publics donnaient 1€ de subvention, dans les 5 ans qui suivaient, ils en récupéraient 5€ (par l'absence d'allocations sociales à distribuer et par les recettes liées à une nouvelle production d'activité).

Des fondamentaux économiques solides et clairs

La crise financière en 2008 a frappé durement le secteur bancaire belge. Crédal n'a pas été touché par cette vague destructrice. La raison tient simplement à quelques fondamentaux voulus par les fondateurs et qui ont été respectés :

  • La transparence : la crise financière a été celle de l'opacité des produits financiers qui a dupé nombre d'investisseurs sur la nature et le risque des produits financiers achetés. Crédal a opté pour la transparence. Chaque coopérateur connaît tous les dossiers de crédit qui sont accordés en leur nom et avec leur argent. Ils sont publiés chaque trimestre et font l'objet de témoignages lors de l'Assemblée générale annuelle.
  • L'indépendance : au plus fort de la crise de 2008, les banques se regardaient en chien de faïence, n'osant plus se prêter de l'argent alors que tout leur système dépendait de prêts interbancaires, d'où une crise de liquidité dramatique pour certaines d'entre elles. Crédal a opté pour un équilibre entre l'épargne et l'investissement. Le principe étant que ce sont les coopérateurs qui confient à Crédal les moyens d'agir et non le marché financier.
  • Une économie réelle : l'opacité des produits financiers a fait de chaque épargnant un spéculateur en puissance, spéculation qui porte à chaque fois une lourde responsabilité dans les crises financières et qui éloigne l'investissement d'un réel développement économique. Crédal a choisi de s'engager vis-à-vis de ses coopérateurs à investir au moins 80% des fonds dans du crédit à forte plus-value sociale (en réalité, on est au-delà des 90%), c'est-à-dire dans une économie réelle et sociale. Le solde correspondant aux besoins de liquidité.

De la marginalité à l'alternative

Crédal, comme une grande partie de l'économie sociale, est restée jusqu'à ce jour à la marge dans le monde économique. Néanmoins, en 27 ans d'existence, Crédal a démontré la viabilité d'un outil financier au service d'une économie au service de l'homme et dans le respect de son environnement. Les temps sont venus de quitter la marge pour présenter l'alternative au moment où tout indique la faillite d'un système basée sur l'opacité et l'injustice sociale. Mais cette alter-native n'est possible que si les citoyens acceptent, comme l'ont fait les fondateurs de Crédal, de renoncer aux placements obscurs, aux promesses de rentabilité mirobolante de l'épargne et décident d'ouvrir les yeux sur l'utilisation qui est faite de leur argent. La crise financière n'est pas seulement une crise provoquée par quelques spéculateurs surpuissants, elle est la crise de notre cupidité à tous.

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Notes

1 : Une coopérative sœur, « Hefboom », sera créée ensuite en Flandre.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Un des grands drames du microcrédit aujourd'hui tient à la prise de conscience de certains qu'il existe là un terreau fertile pour créer de plantureux bénéfices. On voit ainsi, surtout dans le Sud, des institutions de microcrédit remplacer les usuriers avec des taux et des méthodes de récupérations qui n'ont rien à leur envier. Des fonds d'investissement du Nord suivent et achèvent de pervertir un outil de développement.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

SUR L'AUTEUR :
LICENCIÉ EN PSYCHOLOGIE À L'UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, BERNARD HORENBEEK S'EST PARTICULIÈREMENT ATTACHÉ À L'ACTION SOCIALE. IL EST À L'ORIGINE DE NOMBREUX PROJETS DE PROXIMITÉ DANS LE SECTEUR DE L'AIDE AUX ITINÉRANTS EN BELGIQUE ET EN EUROPE. IL A ENSUITE ÉTÉ CONSEILLÉ DE DEUX MINISTRES DES AFFAIRES SOCIALES EN RÉGION WALLONNE ET EN RÉGION BRUXELLOISE. DEPUIS 2008, IL EST LE DIRECTEUR-GÉNÉRAL DU GROUPE CRÉDAL ET VICE-PRÉSIDENT DE LA FEBEA (FÉDÉRATION EUROPÉENNE DES BANQUES ETHIQUES ET ALTERNATIVES).

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Les leçons (citoyennes) de la crise argentine

Par Julia Posca

Il est assurément désolant de constater que la débâcle actuelle de la Grèce ne constitue qu'un chapitre supplémentaire dans l'histoire d'un système économique marqué par des crises successives. Le scénario qui se joue cette fois-ci en Europe, l'Argentine l'a connu il y a dix ans : explosion de l'endettement public, chômage persistant, contestation sociale croissante... des ingrédients qui ont mené à la démission du président de la République puis au défaut de paiement sur la dette fin 2001. De cet épisode dramatique, qui a malheureusement tout pour rappeler la situation actuelle, ont cependant émergé des projets citoyens qui sont à même de nourrir la réflexion sur les voies à emprunter pour dépasser le modèle capitaliste et se sortir du cul-de-sac où il nous conduit inévitablement.

L'échec du néolibéralisme

La période qui s'étend de 1976 à 1983 en Argentine a été marquée par le règne d'une dictature militaire qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes, mais aussi par la transition d'un modèle de développement industriel à un modèle basé sur l'ouverture des marchés et la libéralisation financière comme vecteur de la croissance économique. Pourtant, lorsque s'effectue le retour à la démocratie en 1983, le gouvernement hérite d'une dette de 45 milliards de dollars - alors qu'elle ne s'élevait qu'à 8 milliards de dollars au moment où la junte militaire a pris le pouvoir en 1976 ! Malgré le fait que cette dette soit considérée par plusieurs comme illégitime, puisque contractée par un gouvernement dictatorial qui n'a pas agi dans l'intérêt du peuple argentin, le gouvernement de Raúl Alfonsín (1983-1989), puis celui de Carlos Menem (1989-1999) et de Fernando de la Rúa (1999-2001), vont tout mettre en œuvre afin d'honorer leurs créanciers. Suite à l'échec d'Alfonsín et face à la montée vertigineuse de l'inflation, Menem se fait le véritable apôtre de la gouvernance néolibérale, prônée entre autres par le Fonds monétaire international, et applique à la lettre le modèle proposé par le consensus de Washington. Aux yeux des bailleurs de fonds internationaux et des investisseurs étrangers, l'Argentine est alors considérée comme le « bon élève » de l'Amérique latine - comme l'a été d'ailleurs le Chili avant elle. Or le « miracle argentin » va rapidement se transformer en une véritable catastrophe sociale, pour reprendre les mots du documentariste argentin Fernando Solanas.

La convertibilité du peso face au dollar américain (en vigueur de 1991 à 2002), qui accentue le déséquilibre commercial de l'Argentine en favorisant l'importation de biens étrangers, porte atteinte aux entreprises nationales et approfondit la tendance à la désindustrialisation de l'économie amorcée sous la dictature des généraux. La privatisation de nombreuses entreprises d'État, en plus des pertes d'emplois massives, donne lieu à des augmentations de tarifs, voire à des coupures de services pour des biens aussi essentiels que l'eau. L'austérité budgétaire se solde aussi par le licenciement de milliers d'employés de l'État - permettant dès lors à la corruption de se répandre sans ambages et facilitant même la mainmise du crime organisé sur l'appareil étatique. Comme l'écrit le sénateur Alfredo Eric Calcagno (1) l'accession de Menem au pouvoir en 1989 a eu l'effet d'un « coup de marché », puisque l'État s'est littéralement mis au service des intérêts de l'élite financière locale et étrangère. Résultat : à la fin de l'année 2001, la dette atteint 122 milliards de dollars et un défaut de paiement semble de plus en plus probable. La fuite des capitaux s'accélérant, le gouvernement de Fernando de la Rúa (1999-2001) restreint par voie législative les retraits bancaires dans l'espoir de freiner ce mouvement de panique. La mesure aura surtout pour effet de précipiter la débâcle économique et de plonger le pays dans une crise politique - quatre présidents vont se succéder en deux ans - qui ne s'atténuera qu'en 2003 avec l'arrivée au pouvoir de Nestor Kirchner.

Plutôt que de redresser les finances publiques, l'application stricte du modèle néolibéral a conduit à la faillite de l'Argentine, à la dilapidation de biens publics, à l'effondrement de l'économie nationale et au démantèlement des institutions sociales et politiques du pays. En 2001, au plus fort de la crise, les Argentins sont donc aux prises avec plus qu'un « simple » ralentissement économique ; la paralysie qu'ont entraînée les politiques ménémistes appelle carrément à la reconstruction de la nation - à commencer par son économie -, et ce dans un climat de méfiance totale envers les élites politique et économique.

Transformer le pays en travaillant

C'est dans ce contexte que sont apparus des projets citoyens visant à pallier l'absence de l'État ou de l'entreprise privée dans la fourniture de biens, de service, et même de travail. Mais non seulement la population argentine s'est-elle donnée les moyens de surmonter la crise, elle a aussi expérimenté, à travers ces multiples initiatives, de nouvelles manières de vivre et de produire en communauté. Des réseaux de troc au service de transport collectif et aux cliniques médicales communautaires, en passant par les cuisines populaires et les assemblées de quartier, l'Argentine devient un véritable « laboratoire de contre-pouvoirs » (2). Des initiatives populaires voient le jour par milliers au cours de la décennie 1990-2000, certaines connaissant un succès retentissant, d'autres beaucoup, plus passagers. Parmi ces nombreuses expériences, celles des entreprises récupérées restent particulièrement marquantes à cause de la réussite exceptionnelle de plusieurs de ces projets ambitieux, mais aussi du potentiel de transformation sociale dont elles sont porteuses.

Le problème qui semble le plus criant dans l'Argentine de Menem est certainement la disparition des emplois. En 2002, 40% de la population argentine est soit au chômage, soit en situation de sous-emploi (3). Des usines ont fermé, des entreprises d'État ont été vendues puis restructurées, voire démantelées. Des patrons sont partis avec des mois de salaires dus, mais laissant derrière eux ce qui apparaîtra après-coup comme plus vital : les immeubles, les machines, les matériaux. Ne leur restant que leur savoir-faire, des travailleurs décident alors de réinvestir leur lieu de travail et de redémarrer la production. Leur slogan : « Occuper, résister, produire ». Dans ces trois mots se condense toute la complexité d'un projet ambitieux et subversif.

Premièrement, occuper.

Les entreprises récupérées ont d'abord été abandonnées par leurs propriétaires. Le plus souvent, il s'agit en effet d'entreprises qui, même si elles sont parfois largement subventionnées par l'État, croulent sous les dettes et ne sont soi-disant plus en mesure de faire face à leurs obligations. L'administration décide donc de déclarer faillite et de mettre la clé dans la porte ou de carrément abandonner l'entreprise. C'est à ce moment que les travailleurs décident d'occuper les lieux. L'enjeu est crucial : il s'agit d'affirmer son droit à travailler, et d'un point de vue plus pragmatique, d'empêcher les propriétaires de quitter avec les outils de travail, qui seront justement indispensables pour redémarrer le processus de production. À la Forja San Martin (4), une entreprise de pièces automobiles, les employés ont par exemple constaté à leur retour dans l'usine que de la machinerie avait été vendue après la fermeture de l'entreprise - ce qui n'avait pourtant pas empêché l'administration d'affirmer ne plus avoir les moyens de verser aux employés leurs salaires.

Ensuite, résister.

Il ne suffit pas d'occuper un lieu pour que son propriétaire vous le cède et que la justice reconnaisse votre droit à vous y installer à des fins commerciales. Les travailleurs des entre-prises récupérées ont appris très vite que leur lutte allait aussi être une bataille juridique. En vertu de la législation argentine, une coopérative de travailleurs peut, sous certaines conditions, exploiter une entreprise « abandonnée ». Le propriétaire peut louer ses installations à la coopérative, ou encore l'État peut décider de l'exproprier. Ces procédures étant complexes, beaucoup d'entreprises récupérées demeurent tout simplement sans statut légal et donc sous la constante menace d'une éviction, comme les trois qu'ont dû subir les travailleuses de l'usine de vêtements Brukman avant d'obtenir leur statut de coopérative en 2003 et que soit exproprié l'ancien propriétaire. En juin 2011, la loi sur les faillites a été modifiée par le Sénat argentin afin de faciliter la récupération des entreprises en situation de faillite par ses travailleurs réunis en coopérative. Une victoire qui a toutes les allures d'une « révolution culturelle », suggère encore le sénateur Calcagno (5).

Se battre pour produire. Produire pour vivre.

Le drame humain qui se déroule en Argentine sous Menem a laissé peu de choix aux travailleurs licenciés : la survie ou la lutte pour la dignité. À travers les batailles juridiques qu'ils mènent, il ne faut pas perdre de vue que c'est le droit au travail que ses hommes et ses femmes défendent. Les entreprises récupérées sont donc le fruit d'une lutte ardue des travailleurs pour s'approprier le procès de production, mais aussi pour reprendre le contrôle de leur vie. C'est pourquoi ils vont produire dans des conditions toutes autres que celles qu'ils avaient connues jusqu'alors. Les employées de la Cooperativa de Trabajo 18 de Diciembre (ancienne Brukman) affirment : « Jusqu'en 1998, nous étions des employés ordinaires comme ceux de n'importe quelle entreprise, voués principalement à remplir les fonctions qui nous incombaient afin de gagner dignement le salaire qui nous permettait de vivre ». (6) Le processus de récupération change tout. D'une part, les travailleurs deviennent leur propre patron : ceux qui ne faisaient avant qu'exécuter des tâches dictées par leurs supérieurs gèrent maintenant collectivement l'ensemble des composantes de l'entreprise. En outre, les travailleurs redéfinissent dans bien des cas leur rôle au sein de la communauté. L'entreprise ne vise plus uniquement à être rentable, elle doit être au service de la collectivité. Par exemple, les employés de l'hôtel Bauen, en plein cœur de Buenos Aires, prêtent des salles à des professeurs de langue en échange de cours d'anglais pour les employés. En troquant des services, ou tout simplement en aidant d'autres entreprises en processus de récupération ou des institutions de la communauté en besoin (écoles, hôpitaux), les liens se recréent, les communautés restent vivantes. L'entreprise n'est plus au service de la croissance de l'économie ; l'économie crée du lien social en répondant au besoin de la collectivité.

Une autre manière de faire de la politique

Le récit de ces entreprises est évidemment parsemé d'embûches (exigences légales, financement difficile, apprentissage des modes de gestion démocratiques, nécessité de pallier les manques dans la formation des travailleurs, etc.). Malgré cela, quelque 280 entreprises récupérées employant quelque 15 000 travailleurs seraient en fonction en Argentine en 2011, comme autant de preuves qu'à défaut de subir le système et ses défauts, une économie alternative peut être inventée. Une organisation du travail qui vise à briser le clivage entre employés manuels et intellectuels, entre production et direction, une redéfinition des objectifs de l'entreprise pour œuvrer au bien-être des travailleurs et de la communauté : l'entreprise récupérée par ses travailleurs se veut tout sauf un outil de la reproduction du capital. Elle est une autre manière de faire de la politique, comme le souligne Naomi Klein en préface du livre de Esteban Magnani sur les entreprises récupérées (8), c'est-à-dire de répondre aux intérêts de la population dans une perspective d'autonomie et d'égalité. En référence au foisonnement de projets artistiques et culturels qu'a insufflé la crise argentine, Josefina Sartora affirmait : « Dans chacun d'eux l'emportent la résistance face à la crise et la conviction que seule l'action collective, celle qui combat l'individualisme, peut sauver et renouveler la culture et le pays tout entier ». (8). Ces projets au potentiel transformateur doivent dès lors nous permettre de vaincre le fatalisme si caractéristique de la politique actuelle.

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Notes

1 : Alfredo Eric Calcagno, « Un gran país devenido un casino », Le Monde diplomatique (édition argentine) no 21, mars 2001, en ligne.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

2 : Daniel Hérard et Cécile Raimbeau, Argentine rebelle, un laboratoire de contre-pouvoirs, Paris, Éditions Alternatives, 2006.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

3 : Le taux de chômage est passé de 8,6% en mai 1990 à un sommet de 21,5% en mai 2002, alors que le taux de sous-emploi est passé durant la même période de 9,3 à 18,6%. INDEC, « Tasas de desocupación y subocupación demandante y no demandante para el total de aglo-merados urbanos desde mayo 1990 hasta mayo 2003 », en ligne.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

4 : L'histoire de la récupération de la Forja San Martin par ses travailleurs a été documentée par Naomi Klein et Avi Lewis dans le film The Take (2004).** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

5 : « Fábricas recuperadas y también legales », Página 12, 2 juin 2011, en ligne.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

6 : Site Internet de la Cooperativa de Trabajo 18 de Diciembre, section « Historia », en ligne (traduction de l'auteure).** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

7 : Esteban Magnani, El cambio silencioso. Empresas recuperadas en la Argentina, Buenos Aires, Editorial Prometeo, 2003.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

8 : Josefina Sartora, « La llama encendida », Le Monde diplomatique (édition argentine), no 38, août 2002, en ligne.** PLEASE DESCRIBE THIS IMAGE **

SUR L'AUTEURE :
DOCTORANTE EN SOCIOLOGIE. CHERCHEURE ASSOCIÉE À L'INSTITUT DE RECHERCHES DE D'INFORMATION SOCIOÉCONOMIQUE (IRIS). ENTRE 2006 ET 2010 A EFFECTUÉ DE NOMBREUX SÉJOURS EN ARGENTINE.

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Un monde à changer

Par Claude Béland

L'ultralibéralisme a subi en 2008 ce que des observateurs qualifient « d'un infarctus libéral ». La plupart des grands chefs d'État estimant que le réseau bancaire est trop important pour déclarer faillite et se mettant à l'écoute d'économistes ou de dirigeants des banques centrales, ont prescrit deux remèdes, espérant remettre le malade sur pied : des perfusions de trillions de dollars dans le système bancaire et quelques mois de repos du système financier par le gel des taux d'intérêt par les banques centrales. Après quelques semestres, manifestement ces remèdes ne suffisent pas à la guérison. Le système dominant demeure fragile, incertain, inquiétant. Quatre ans après le début de cette crise, les taux d'intérêt des banques centrales sont gelés, le chômage en hausse, l'économie au ralenti, les pays lourdement endettés et des écarts faramineux dans le partage de la richesse. En conséquence, les régimes d'austérité s'imposent. De toute évidence, les remèdes prescrits ne suffisent pas.

À l'exemple des traitements imposés à l'individu victime d'un infarctus, plusieurs sont d'avis qu'il faudrait plutôt comme remède un changement radical du régime de vie. Déjà affaibli par des crises récurrentes au cours des dernières décennies, le système économique dominant est remis en question. Alors qu'à l'aube des années 1970, au cœur même de ce que les historiens qualifient des « trente années glorieuses » (1945-1975) l'accélération de la mondialisation permettait d'espérer un monde paisible, plus juste et plus équitable, voilà qu'au contraire, cinquante ans plus tard, le monde évolue dans un environnement conflictuel et bouleversé, de plus en plus inégalitaire et injuste. L'humanité sous l'effet de la transition d'un libéralisme modéré à un libéralisme survolté s'éloigne de son projet de créer un monde plus empathique. Le système économique dominant ne répond plus aux besoins de l'ensemble des populations et éloigne l'humanité de la vision d'une société dont les paramètres sont décrits dans les grandes chartes des droits de l'homme et du citoyen. « Dignité et justice pour nous tous ! » proclame la fameuse Déclaration universelle des droits de l'homme par les pays de l'Organisation des Nations Unies en 1948.

En regard de cet objectif d'une société dans laquelle chacun et chacune auraient une place et un rôle à jouer, le modèle capitaliste a donc démontré ses limites. Il a su tout au plus favoriser une minorité de gagnants, mais certes pas l'ensemble des populations, et ce au prix d'une production de richesses principalement spéculative, d'un endettement universel et de l'exploitation éhontée des ressources de la planète qui demande grâce. Au contraire, il conduit plutôt à un reniement de toutes formes d'éthique et à certains abus obligeant constamment l'intervention d'un État régulateur. Ce modèle arrive à admettre la théorie du « chômage naturel » dont le pourcentage « admissible » ne cesse d'augmenter au fur et à mesure que les écarts entre les riches et les pauvres s'agrandissent. C'est ce qui, d'ailleurs, a conduit à créer diverses variantes du capitalisme, ce que démontre le chef d'entreprise Michel Albert dans son livre Capitalisme contre Capitalisme ou encore les professeurs Charles Turner et Alfons Trompenars dans le livre intitulé The seven cultures of capitalism (les sept cultures du capitalisme). Mais quelle que soit la forme du capitalisme, dès qu'il livre l'être humain à ses instincts et à la règle du plus fort, le projet de l'établissement d'une société juste et égalitaire, d'une société faite pour tous devient utopique.

De son côté, le modèle étatique a aussi ses limites. La centralisation des pouvoirs entre les mains d'un État qui pourvoirait aux besoins de tous n'a pas donné les résultats escomptés. De là, la chute du socialisme et du capitalisme.

En somme, quels que soient les modèles proposés, l'évidence surgit : ce ne sont pas les modèles politiques ou économiques qui font les sociétés, mais d'abord et avant tout les hommes et les femmes qui les composent. Tout modèle d'organisation sociale qui abandonne à lui-même l'être humain et qui ne contribue pas à contenir les instincts primaires les plus naturels de ce dernier trouve rapidement ses limites par rapport à un projet de société globale plus juste et plus égalitaire. C'est pourquoi les pionniers de la coopération se sont donné des règles de gouvernance dans le but de se protéger contre les instincts de cupidité, de possession sans limites, de domination, d'exploitation et même parfois de pillage des biens des autres.

Des règles coopératives fondamentales :

  • D'abord, la règle d'une démocratie participative. Une règle donnant prise aux valeurs d'égalité, de solidarité et de dignité humaine.
  • Aussi, la règle du propriétaire-usager c'est-à-dire la prise en charge de leurs propres affaires par chacun des membres de la coopérative par l'entremise d'une entreprise leur appartenant collectivement. Pour être membre d'une coopérative, il faut en être aussi l'usager.
  • Aussi, la règle de la répartition des trop-perçus (les profits) en rapport, non pas avec le capital investi, mais avec la valeur des transactions faites par le membre avec sa coopérative.
  • Aussi, la règle de l'adhésion libre, soit la reconnaissance de la liberté de devenir membre ou de cesser de l'être.
  • Aussi, la règle de l'intérêt limité sur le capital. Dans une coopérative, la capitalisation est importante, bien sûr, mais ce capital n'est pas la seule mesure du partage des trop-perçus. Il n'est pas la mesure du pouvoir décisionnel puisque la démocratie exige que chaque personne n'ait qu'un seul vote. C'est la personne humaine qui vote, non pas le capital. Ce qui fait dire que la coopérative est une association de personnes, contrairement aux entreprises à capital-actions qui sont des associations de capitaux.
  • Aussi, la règle de l'inter coopération - c'est-à-dire la solidarité avec les autres coopératives de façon à développer l'économie coopérative.
  • Et finalement, la plus importante à mon avis, la règle de l'éducation coopérative qui vise à l'établissement d'un ordre social nouveau. En somme, une éducation à la citoyenneté puisqu'elle doit élever l'être humain à une dignité plus grande : la justice, la solidarité, le respect des autres, la responsabilité pondérant les rapports entre les personnes et les groupes. Cette règle est essentielle puisque, répétons-le, ce sont les hommes et les femmes qui font ce qu'est et ce que sera la société dans laquelle ils vivent.

Ces règles sont effectivement des remparts aux effets pervers du capitalisme débridé. Elles combattent l'individualisme, le chacun-pour-soi, l'exploitation des uns par les autres - puisque les décisions sont celles de la majorité. Autrement dit, le coopératisme et son fondement démocratique assurent la domination de la majorité. Il apparait alors comme le compromis le plus réaliste entre la domination d'une minorité s'imposant par la force du capital ou encore la domination par la centralisation des décisions au niveau de l'État.

Ce sont les réactions des ouvriers à l'exploitation éhontée des travailleurs au moment de la première révolution industrielle qui ont provoqué la création de ces entreprises coopératives. Des ouvriers créent, sur une base d'égalité, un contrepouvoir aux abus de leurs patrons. D'autres coopératives font leur apparition à la suite de réactions de citoyens désireux de créer des milieux de vie où chacun peut vivre en toute dignité. Pour y parvenir, ils acceptent de se soumettre à la décision de la majorité - cette majorité étant la garantie de décisions répondant aux besoins du plus grand nombre. Depuis ce moment mémorable, les coopératives n'ont cessé de se multiplier. En 1895, elles se sont regroupées en une Alliance internationale. Aujourd'hui, il existe des coopératives sur tous les continents. De toutes tailles et de tous âges. Elles ont traversé les siècles et les crises mieux que toutes autres entreprises. Elles s'inscrivent dans les espoirs du développement durable : par exemple, une étude du ministère de l'Industrie et du Commerce du Québec (en 1999) démontrait que les coopératives ont un taux de survie deux fois supérieur à celui des entreprises en général. Elles s'inscrivent comme des partenaires importants du secteur de l'économie sociale, un secteur qui s'est développé rapidement, surtout depuis le grand sommet sur l'économie et l'emploi de 1995 au Québec parce qu'elles ont su faire la démonstration de leur efficacité à créer de l'emploi, même durant les périodes de ralentissement économique.

Si on le compare aux autres modèles, de toute évidence, le coopératisme a beaucoup à offrir. Il ne réduit pas le modèle économique à l'action individuelle, ni ne compte sur un État anonyme et tout-puissant, hors de portée des gens. Il ramène plutôt la vie économique, politique et sociale au niveau des populations - à leur portée - pour que chacun ait prise sur leur destinée. En fait, les seules limites et potentialités du modèle coopératif sont celles de l'être humain lui-même. Le modèle coopératif n'a pas à être changé : c'est l'être humain qu'il faut sans cesse éduquer à la vie commune. Il faut en somme que les coopératives puissent compter sur des coopérateurs - et c'est ainsi que le réseau des coopératives continuera sa progression et répondra, sur tous les territoires, aux besoins des populations, non seulement à leurs besoins physiologiques, mais aussi leurs besoins d'appartenance à leur milieu, leurs besoins de participation et de réalisation avec et pour les autres.

Le système socioéconomique actuel n'est pas en bonne santé. Il faut changer le monde. Pour ce faire, il faut, comme ce fut le cas fréquemment au cours de l'histoire de l'humanité au moment des grandes guerres ou des grandes crises, se nourrir d'une éthique du Bien commun et des valeurs d'une démocratie participative réelle et active, des valeurs d'égalité, de solidarité, et de fraternité, ce qu'offre le coopératisme bien compris.

Ces transformations menant à un monde meilleur sont possibles. Il suffit de résister à cette idée que les impulsions naturelles des êtres humains, leur cupidité et leur incapacité à limiter leurs besoins, en feront toujours des êtres égoïstes, peu soucieux des autres et de leur planète. Chose certaine, cette vision d'un monde meilleur fait naître un rêve. Comme l'écrivait Friedsreich Hunderwasser, un artiste et écrivain autrichien : « Si un seul homme rêve, ce n'est qu'un rêve, mais si beaucoup d'hommes rêvent ensemble, c'est le début d'une réalité ! »
Ou ce message d'Alexis Carrel, en 1935, mais toujours d'actualité : « Pour la première fois dans l'histoire du monde, une civilisation, arrivée au début de son déclin, peut discerner les causes de son mal. Peut-être saura-t-elle se servir de cette connaissance, et éviter, grâce à la merveilleuse force de la science, la destinée commune à tous les grands peuples. Sur la voie nouvelle, il faut dès à présent nous avancer ».

SUR L'AUTEUR :
CLAUDE BÉLAND A ÉTÉ PRÉSIDENT DU MOUVEMENT DES CAISSES DESJARDINS (1987-2000). PRÉSIDENT DU MOUVEMENT DÉMOCRATIE ET CITOYENNETÉ.
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