Bulletin, décembre 2016

Le billet du CA

Un réveil citoyen

par Monique Jeanmart

Juin 2016. Le Brexit, que l’on présentait comme cette idée folle d’incultes trop nationalistes et sans doute xénophobes, n’aurait pas lieu ! Le statu quo dominait les sondages et rassurait la City. Le 23, le « leave », tombe comme un coup de tonnerre. Il semblait évident qu’à l’incertitude le peuple choisirait la sécurité économique des grands ensembles mondialisés que leurs élites – politiques et économiques – vantent comme la voie de l’avenir. On agitait le Brexit comme un saut dans un avenir sombre. Pourtant, le 23, déjouant tous les pronostics c’est lui qui l’emporte.

Novembre 2016. Une autre surprise, la victoire de Donald Trump aux élections américaines : un autre résultat inattendu et surprenant. Ici encore les sondages ne l’avaient pas vu venir. Sur les rives de l’Hudson, une fois encore, le peuple déjoue l’histoire et l’assurance tranquille qui régnait à Washington. Même si les sondages montraient une lutte serrée, la défaite d’Hilary Clinton, soutenue par les stratèges et l’éstablishment du parti démocrate, n’est pas seulement l’échec d’une femme comme semblent le penser de nombreuses féministes. Même si personne n’avait voulu croire à l’impossible victoire de Donald Trump, son élection est due à une population désespérée par une situation économique – et sociale – qui ne cesse de se détériorer.

Dans les 2 cas, les analystes ont souligné que ces votes traduisent la colère et la frustration des classes paupérisées, marginalisées pour qui le système n’a pas tenu ses promesses. Ceux pour qui les mirages du libre-échange – et de la mondialisation heureuse – n’ont été que de vains mots et qui rejettent ces élites économiques et politiques, qu’elles soient de gauche ou de droite, qui ne les ont pas servies.

Bien sûr, pour gagner ces foules, Donald Trump a avivé démagogiquement une certaine xénophobie en faisant des immigrants les boucs émissaires des problèmes qui affectent la société américaine. En Angleterre, la peur et le rejet des Britanniques vis-à-vis l’immigration a joué le même rôle. Une autre analyse montre que ces excès n’effleurent que la surface des choses et non le simple fait de la prise de conscience que la mondialisation heureuse qu’on leur a vantée n’a pas fait que des gagnants. Aux États-Unis, particulièrement, c’est la découverte qu’elle a mis fin au vieux « rêve américain » qui voulait que chaque génération s’élève plus haut que la précédente et d’une situation économique – et sociale – qui ne cesse de se détériorer. Les dernières statistiques montrent que le salaire moyen des grands patrons est 273 fois celui des travailleurs. Face à cette situation Janet Yellen, présidente de la FED (banque centrale américaine) s’inquiète : « Je pense qu’il est temps de s’interroger sur le fait de savoir si cette tendance (la croissance des inégalités) est compatible avec les valeurs d’égalité des chances qui sont enracinées dans l’histoire de notre société » [1].

Plus près d’Attac, le refus en octobre de la Wallonie de signer l’AECG (Accord économique commercial global), montre une autre manifestation du réveil des citoyens qui ne croient plus aux promesses d’accords négociés dans le secret et que l’on tente de leur imposer de force. Cet accord que Justin Trudeau qualifie d’« accord progressiste pour renforcer la classe moyenne  » qui devrait augmenter le PIB et favoriser la création de 80.000 emplois au Canada ne trompe plus personne. Ces accords ne sont à l’avantage que des multinationales qui y gagnent des pouvoirs – et des profits – démesurés pendant qu’ici la condition salariale se détériore. Le Devoir nous apprenait récemment que la proportion des emplois à bas salaire gagne du terrain : 61 % des Canadiens gagnent un salaire inférieur à la rémunération moyenne, il n’était que 57 % en 1997. Il faut combattre ces accords qui sont incompatibles avec la protection de l’environnement et des droits des travailleurs.

Serait-il possible de voir dans ces choix une soif de changement, un désir profond de quitter un système qui ne tient plus ses promesses. Les électeurs de Trump comme les partisans du Brexit et les Wallons ont choisi la seule alternative de changement qui leur était proposée. Nous croyons que d’autres avenues existent – qu’il faut sortir de la vision pessimiste et négative – mais surtout économisciste - généralisée pour montrer qu’il existe d’autres alternatives plus radicales basées sur la remise en question de ce système qui prend l’eau de toute part. Des alternatives basées sur d’autres valeurs et qui permettraient de construire un monde plus juste, plus écologique et plus humain. C’est pour explorer ces autres avenues que ce bulletin – et les suivants – ont été pensés afin de réveiller la conscience que nous sommes tous dépendant les uns des autres. C’est sur ce lien que devra se construire ce nouveau modèle de société qui seul sauvera l’humanité des périls qui la guette.

Notes

[1Le Devoir, 18 octobre 2014.




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